La taxe Tobin : une solution ?

« Autrement dit » la chronique de Jean-Claude Charitat

La taxe Tobin serait-elle une solution sociale à la crise du capitalisme financier mondialisé ?

Tout d’abord il convient de resituer le problème, quel sorte d’économiste est M. Tobin ? Une taxe est-elle un impôt juste ? L’institution d’une taxe participe-t-elle à une réelle redistribution des richesses ?

Nous situerons tout d’abord M. Tobin comme un économiste libéral d’obédience keynésienne, il s’agit donc d’un économiste dont le but essentiel consiste à tenter de réguler quelque peu l’anarchie capitaliste de notre monde essentiellement financier, il ne s’agit en aucun cas de mettre en cause le système ou d’y amener une quelconque contrainte susceptible de le gêner.

Le principe de cette taxe a été repris par divers intervenants dont certains le font en toute bonne foi pour tenter de réguler notre système mais également pour tenter d’y apporter une « solution » sociale ; c’est particulièrement le cas de l’association ATTAC qui défend ce projet comme une panacée susceptible de modifier le cours de notre système économique.

Il n’en est rien ! Cette évidente bonne foi ne transforme aucunement les motifs ni les conditions de l’application d’une telle taxe, nous disons a contrario que cette taxe se retournera très rapidement contre la volonté de ses défenseurs.

Pour faire clair nous nous trouvons face a un problème similaire à celui qui a vu l’instauration de la TVA comme moyen de refinancement des états, nous ne doutons pas qu’il ait pu être inspiré également en toute bonne foi par des gens qui souhaitaient rééquilibrer les finances de l’État avec une vision keynésienne de l’anticipation des crises ; toutefois ici comme là, il s’agissait de ne pas oublier l’essentiel !

Le défaut fondamental de toute taxe et d’être porté à un taux constant par les produits sur lesquels elle s’applique, contrairement à tout type d’impôt progressif dont la finalité consiste bien en une redistribution effective des richesses entre les citoyens concernés.

De la même manière que la généralisation de la TVA sur tous les produits manufacturés permet aux états de percevoir la majorité de leurs recettes fiscales, une telle taxe sur les produits financiers permettrait éventuellement aux états d’équilibrer leurs comptes sur la masse des transactions financières, il est même possible que ces entrées d’argent permettent de diminuer encore les ressources tirées des impôts progressifs ; si tel devenait le cas l’existence de cette taxe aggraverait encore les règles de répartition de la richesse entre les citoyens !

Qu’avons-nous constaté ces dernières décennies dans les états où s’est instauré un système de TVA sur les produits manufacturés ?

Les recettes fiscales de ces états ont été profondément transformées, les recettes qui, initialement, dépendaient pour l’essentiel des ressources liées à la fiscalité sur les revenus ont progressivement été renflouées par l’arrivée massive des produits de cette taxe (avec le développement de ces produits manufacturés et leurs prix) ; il en résulte qu’aujourd’hui en France, par exemple, la TVA représente plus de la moitié des recettes de l’État et les impôts sur les revenus sont passés en dessous de la barre des 20 % !

Ce transfert a été rendu possible par la généralisation marchande des produits manufacturés et par l’inflation constante des échanges monétaires, ceci suppose également que nous envisagions l’aspect caché d’un tel développement : Où serait donc passé le montant global de cette TVA ?

En fait il y a aucun piège en dehors de ceux que l’on veut nous tendre, la TVA est intégralement contenue dans le prix des marchandises que nous échangeons et achetons, dit autrement, les sommes échangées pour l’achat et la vente des marchandises est représentée, grosso modo, pour 20 % représentant le montant de cette taxe qui est donc facturée à chaque consommateur, sans aucune pondération, que ce dernier soit chômeur ou banquier.

Nonobstant le fait que la baisse sensible des échanges liés aux acquisitions de marchandises pénalise l’État de façon substantielle en matière de recettes de TVA, ce dernier s’endette en partie du fait de cette baisse de recette attendue, cette situation l’obligeant lui-même à devenir demandeur sur le marché financier international !

Que croyez-vous qu’il puisse se passer si une taxe est instaurée sur les transactions financières, cette taxe disparaîtrait-elle en dernier recours ? Ou alors, de façon beaucoup plus « conformiste » cette taxe sera-t-elle répercutée sur les taux d’intérêt qui eux-mêmes seront répercutés sur la valeur des marchandises qui elle-même etc. etc.

Notre monde capitaliste resterait donc bien, dans cette hypothèse, lié dans son existence même à la pérennité d’existence de travailleurs d’un côté et de possédants des moyens de production et d’échange, de l’autre ; et dans ce cadre très précis, l’ensemble des acquéreurs de marchandises participeraient au paiement de la taxe (impôts de type TVA et taxe Tobin) et le montant de cet impôt serait équivalent en pourcentage au montant cumulé de la TVA et de la taxe sur les transactions financières.

Certes mais, me direz-vous, les détenteurs de moyens de production et les détenteurs de capitaux paieront également le montant de cette taxe dans leurs acquisitions, ceci est exact ! dans la limite de l’usage qu’ils font de leurs revenus pour satisfaire aux achats de biens et marchandises qui leur sont nécessaire et aucunement sur les placements (financiers) qu’ils pourront faire avec le solde de leurs revenus, placements pour lesquels nous venons de constater que la taxe serait devenue transparente.

La présente approche n’a pas pour but de culpabiliser les recherches de moyens pour sortir de la crise ou en atténuer les effets, elle est simplement objet de réflexion pour chercher encore à concevoir les réels moyens de redistribution des richesses que ne permet pas le système capitaliste ultra-libéral.

Il en est de même de l’idée, a priori séduisante, d’annuler les charges de la dette en les faisant supporter aux banques centrales car, en effet, le paiement de cette dette par une banque centrale entraînant inéluctablement une dévaluation de la monnaie concernée, sauf à changer autrement les règles de répartition, ce sont encore les plus pauvres qui seront pénalisés dans leurs achats quotidiens par l’augmentation des produits manufacturés inhérente à la dévaluation !

Il en serait de même de toute idée de fiscalité niveau européen, dès lors que cette fiscalité n’est pas imaginée par un impôt progressif (et à ma connaissance ce n’est pas l’objet du débat).

L’évolution technologique et «sociale» de notre société ne permettra donc pas de laisser quelques décennies d’usage à une taxe de type Tobin pour faire le constat de ses effets pervers contrairement à l’application déformée que les sociaux-démocrates ont pu faire de quelques règles keynésiennes appliquées à mauvais escient (tel les investissements d’État exclusivement en période de crise) !

A contrario, nous disposons de peu de temps pour modifier fondamentalement les règles de notre système capitaliste avant d’être submergé par une crise violente de type révolutionnaire, le seul mode de transformation pour une répartition plus équitable s’analyse sur le « temps long » il consiste à un travail en profondeur sur l’élaboration et la mise en place d’une réelle fiscalité progressive en matière patrimoniale et successorale, associées à une fiscalité beaucoup plus ouverte sur les revenus (impôts progressifs pouvant aller jusqu’à 90 % pour les plus hauts revenus)

Une telle fiscalité progressive, jouant à la fois sur les revenus courants de l’ensemble des ménages ainsi que sur une préemption progressive sur les patrimoines importants lors des successions, constitue le seul moyen non-violent et acceptable de revenir à un état dont le rôle fondamental serait à nouveau, une redistribution solidaire des richesses.

Cette évolution fondamentale peut toujours être remise en cause par une majorité de citoyens si ceux-ci le décident, en l’état, elle permettrait une redistribution immédiate partielle des richesses et, sur le long terme, elle éviterait les cumuls patrimoniaux inacceptables aux côtés d’une population de plus en plus pauvre.

Bien évidemment sur le long terme il n’existe pas de garantie de maintien mais, est-ce nécessaire ?

Existait jusqu’à cette dernière décennie un impôt progressif sur les transactions financières (bien sûr il était insuffisamment progressif, seulement deux tranches) il a pourtant bien été supprimé et peu de monde semble s’en souvenir !

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