L’annonce par François Hollande, le 11 février, d’un référendum local sur l’aéroport de Notre Dame des Landes (NDDL) nous pose de nombreuses questions, d’autant que des militants de la ZAD nous avaient raconté leur histoire et leur lutte la veille à Gap dans le cadre de leur « Info-tour » ! Alors qu’est-ce qu’une ZAD ? C’est officiellement une Zone d’Aménagement Différé et l’aménagement en question, c’est un nouvel aéroport pour Nantes (alors que l’aéroport actuel est considéré comme l’un des meilleurs aéroports français). Mais c’est devenu une Zone À Défendre de 1650 hectares !
Cette histoire commence en 1960. Dès que l’idée surgit, le monde paysan s’y oppose et crée l’Association de Défense des Exploitants Concernés par le projet d’Aéroport (ADECA). La ZAD est décrétée en 1974. Le projet est mis en veille dans les années 80/90.
La relance du projet en 2000 provoque la création d’une nouvelle association : l’Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport (ACIPA). Enfin en 2004 naît la Coordination des opposants au projet de l’Aéroport de NDDL. Une série de recours juridiques contre le projet est mise en place. Peine perdue : en 2008 le projet d’aéroport est déclaré d’utilité publique.
En 2009 le Camp Action Climat marque l’implication dans la lutte des courants écolos radicaux et anticapitalistes. Les « Habitants qui résistent » lancent un appel à venir occuper la ZAD. Les groupes s’installent dans des fermes abandonnées ou construisent des cabanes.
En mai 2011 un millier de personnes défrichent un terrain pour y installer un projet maraîcher.
La mise en œuvre du projet d’aéroport est accordée à Vinci qui commence des travaux préliminaires : sabotages et résistances se multiplient. Vinci fait pression (financièrement) sur les propriétaires, locataires ou paysans.
Le 24 mars 2012, près de 10 000 personnes et 200 tracteurs défilent dans la ville de Nantes. Après une grève de la faim des occupants, le gouvernement s’engage à ne pas expulser les habitants et paysans légaux avant l’écoulement d’un certain nombre de recours juridiques.
Pourtant, le 16 octobre, commence l’opération César qui va mobiliser jusqu’à 2 000 policiers pendant plusieurs semaines : ils détruisent une dizaine de maisons et cabanes. Un vaste élan de solidarité se déclenche dans toute la France, et grâce à cela 40 000 personnes font une manifestation de réoccupation et reconstruisent en 2 jours de nouveaux bâtiments pour la lutte à la Chat-teigne. Les 23 et 24 novembre des centaines de policiers tentent de reprendre le terrain, mais en vain, face à la mobilisation. Le 17 décembre le gouvernement crée « une commission du dialogue » ; dès le lendemain 40 tracteurs s’enchaînent autour de la Chat-teigne. L’occupation policière des carrefours de la ZAD durera encore 5 mois.
En 2013 se crée le Collectif des Organisations Professionnelles Agricoles Indignées (COPAIN). « La commission du dialogue » annonce sans surprise que l’aéroport devra voir le jour !
Plusieurs milliers de personnes viennent aider pendant l’opération « Sème ta ZAD » pour lancer une dizaine de projets agricoles. Les arrêtés juridiques sont systématiquement transgressés et les tentatives de travaux sabotés.
Durant l’hiver hiver 2014/2015, les aménageurs annoncent le déménagement des espèces protégées et le début des travaux. Le 22 février 2015 une manifestation de 60 000 personnes et de 500 tracteurs submerge Nantes avec de nombreux affrontements avec la police. Le gouvernement recule une nouvelle fois le commencement des travaux !
Le 9 janvier 2016, nouvelle manifestation à Nantes (20 000 personnes) : répression très dure. Le 25 janvier un jugement confirme l’expropriation des habitants et paysans.
On arrive désormais à la fin des recours juridiques au printemps. Après le remaniement gouvernemental du 11 février 2016 et l’entrée dans l’équipe d’anciens militants d’EELV (ils ont rendu leurs cartes), Hollande a annoncé un référendum local. Mais cela n’enthousiasme pas les foules : ni les opposants, ni les partisans de l’aéroport NDDL.
Alors quels sont les enjeux de cette lutte ?
Au début, il s’agissait simplement d’une défense des terres agricoles et du bocage. Puis c’est devenu une lutte contre un projet d’aéroport inutile : même les pilotes d’avions le disaient !
Ensuite le combat s’est étendu contre un modèle économique : pourquoi un 2ème aéroport à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique ? Pourquoi s’en prendre aux terres agricoles alors que le discours est de rapprocher consommateurs et producteurs ? Pourquoi détruire une zone humide riche en espèces végétales et animales protégées ? N’est-il pas possible de mettre l’entraide au cœur d’un projet de vie communautaire, sans rapports financiers ?…
A partir du Camp Action Climat est née l’idée d’expérimenter une nouvelle façon de vivre autogérée ; les habitants et certains agriculteurs restés sur la ZAD vont créer une « zone libre » avec son « no-marché », ses boulangeries, ses élevages (600 vaches), ses fruitiers et ses cultures pour arriver à une auto subsistance et ceci sans monnaie.
Mais la cohabitation entre les différentes associations et habitants ne va pas sans heurts.
Certaines associations luttent uniquement sur le terrain juridique, d’autres sont présentes dans les affrontements avec l’État et la police. Des habitants veulent seulement expérimenter une autre vie, d’autres estiment que l’on doit se battre pied à pied contre Vinci et la police pour défendre une juste cause.
S’y rajoutent des conflits de voisinage entre une population originaires des villages avoisinants et des nouveaux arrivants surprenants et parfois dérangeants.
Si on superpose encore les partisans de la mise en place d’une utopie autogestionnaire et l’arrivée de personnes plus individualistes (et parfois en rupture sociale) qui profitent juste d’une occasion. On voit que le mélange est détonnant, à tel point qu’il a fallu mettre en place un groupe de résolution des conflits (tirage au sort des personnes qui le composent).
Pourtant, au fil du temps, ces populations arrivent à s’écouter et à s’entendre sans perdre pour autant leurs spécificités. Des instances se mettent en place : une AG mensuelle du mouvement, une réunion hebdomadaire le jeudi, la News petit journal distribué tous les lundis, Radio Klaxon…
Mais les Zadistes restent aussi ouverts sur le monde : une solidarité se met en place avec les kurdes (qui tentent une organisation de même type), avec Calais…
Rappelons qu’il s’agit d’un espace de 1 650 hectares (ce qui est immense) : 1250 ha de champs exploités et 400 ha de bâtis, routes, chemins, bois et friches. (cf plan à la fin de ce journal)
Environ 850 ha ont été rachetés par le Conseil Général et transférés à AGO-VINCI concessionnaire pour 55 ans ! C’est l’État qui est propriétaire. Pourtant, en attendant le chantier, ces terres sont redistribuées chaque année. 220 ha ont été occupés et ainsi arrachés à l’AGO.
Sur les 800 ha restants, 400 appartiennent à 11 exploitations agricoles en lutte qui ont refusé de signer avec AGO.
Il y a une soixantaine de lieux de vie dispersés : une dizaine de maisons en dur occupées par les habitants d’origine, 6 fermes ou maisons squattées et le reste en cabanes.
Le 27 février est prévue une grande journée de mobilisation : les habitants de la ZAD préconisent des actions locales (occupation des préfectures etc.) quand on est loin de NDDL, et un rassemblement dans la ZAD pour ceux qui sont proches.
Pendant ce temps le nouveau gouvernement composé entre autres d’Emmanuelle Cosse (qui était secrétaire générale d’EELV, fermement opposée à l’aéroport) et Jean-Marc Ayrault, ex-maire de Nantes, (et l’un de ses plus fervents défenseurs) planche sur le territoire pertinent pour le référendum local ! En admettant que le référendum se passe le mieux possible, que la population y participe : quelle sera la suite ? Si le oui à l’aéroport l’emporte, que va-t-il se passer pour les occupants ? Si le non à l’aéroport l’emporte, comment le problème du foncier (propriété de l’État) va-t-il se régler, avec d’une part les agriculteurs qui résistent et occupent leurs terres, avec d’autre part les locataires qui payent et ceux sans droit ni titre ?
Du côté des organisations politiques : où en est on?
Le PS fait corps pour l’aéroport, avec une petite voix dissonante, celle de Ségolène Royale.
Au PC les voix sont discordantes : la direction du 44 est pour l’aéroport, celle du 55 contre, mais les militants se rallient à la lutte ainsi que la CGT locale, Sud et la FSU.
EELV, le PG, le NPA et Ensemble sont contre l’aéroport.
Mais ce sont les organisations agricoles regroupées dans COPAIN qui sont les plus proches des habitants de la ZAD.
Cécile Leroux
Le 15 février 2016