Dans Le Monde du samedi 5 mars, un collectif d’économistes, dont un prix Nobel, ont voulu voler au secours de la loi sur le droit du travail, arguant qu’en « levant les incertitudes des chefs d’entreprise face à la justice,[en cas de licenciement] ce texte leur permettra d’embaucher davantage en contrat à durée déterminé ». Mais leur argumentation n’est pas satisfaisante et les propositions qu’ils avancent pour l’améliorer montrent que cette loi ne peut pas atteindre l’objectif qu’ils y voient, à savoir diminuer le chômage de masse. D’abord, ils ne prennent en compte que la question du chômage, or les chômeurs sont justement en dehors du droit du travail puisque par définition ils ne travaillent pas. Et sur le chômage, ils n’argumentent que sur les possibilité de licenciement : « Le code du travail ne donne aujourd’hui aucune définition précise des difficultés économiques justifiant un licenciement, et n’encadre pas non plus le montant des indemnités en cas de licenciement non fondé ». Ils oublient de dire que justement la proposition de loi est d’un silence total sur la question des difficultés économiques : les licenciements se feront au bon vouloir de l’entreprise alors que maintenant il existe une jurisprudence sur la définition des difficultés économiques de l’entreprise et sur les montants des indemnités en cas de licenciement non fondé. Il semble qu’ils veulent que les licenciements non fondés coûtent le moins cher possible à l’entreprise, bref que celle-ci puisse licencier à moindre coût ! C’est non seulement l’ensemble du code du travail qu’ils veulent revoir en faveur des entreprises mais ils désirent aussi la disparition de la jurisprudence. Il s’agit bien d’économistes et non de juristes, toute règle de droit leur semble une atteinte insupportable au bon vouloir des entreprises.
Dans leur volonté de défendre le projet de loi, ils en viennent à proposer des améliorations de celui-ci. « Pour que la réforme du licenciement devienne un pilier d’un « Jobs Act » à la française permettant d’en finir avec le chômage de masse, il y aurait urgence à la compléter dans plusieurs directions. » Quelles sont ces directions ? Ils n’en signalent que trois : la refonte totale du système de formation professionnelle qui, d’après eux n’est pas, actuellement, efficace, et « il faudrait améliorer les garanties de revenus pour les chômeurs en formation (preuve supplémentaire que le projet de loi est bien en leur défaveur!), enfin ils écrivent en toute naïveté « il faudrait renforcer les avantages des contrats longs, notamment à travers un système de bonus-malus des cotisations à l’assurance chômage incitant les entreprises à privilégier de telles embauches », ce qui revient à dire que dans l’état actuel du texte, le projet de loi ne parvient pas à privilégier de telles embauches, celles justement qu’il est censé promouvoir d’après eux ! En clair, la finalité de ce texte n’est pas de lutter contre le chômage de masse, bien au contraire. Cette affirmation n’est qu’un cache misère d’une attaque ouverte et massive contre le peu de droits qui restent aux salarié-es. Le gouvernement veut achever la logique de précarisation générale des salarié-es. En effet, pour permettre d’embaucher directement en CDI, on aligne le statut des CDI sur celui actuel des CDD, on détricote la loi sur les 35 heures en autorisant, sans motif, leur dépassement, on réduit le taux de paiement des heures supplémentaires, en renvoyant leur calcul à une période non pas d’une année mais de trois années, etc.. Le gouvernement affaiblit ainsi considérablement et durablement les capacités de résistance des salarié-es dans le but de relancer l’accumulation du capital sur des bases encore plus profitables que celles existantes à l’heure actuelle. L’ennemi invisible, la finance internationale, a désormais un visage, celui du gouvernement Hollande-Valls. Ils ont avec ce projet de loi déclaré la guerre à l’ensemble des salarié-es pour le profit exclusif de la finance internationale.
Jean-Paul Leroux