« tous pourris », sauf à Saillans ? (par JC Charitat)

Une réunion publique a été organisée à Veynes le 18 mars à l’initiative d’un groupe de citoyens. Comme je suis toujours assez motivé par tout ce qui concerne les rapports à la politique, les recherches et les tentatives diverses pour réconcilier les citoyens et la gestion de la cité, j’ai assisté à ladite réunion.

J’ai été assez déçu (pour ne pas dire beaucoup) de la prestation que nous a servie un représentant de la municipalité de Saillans. me si par certains côtés cette expérience semble mériter notre attention, il me semble délicat de suivre les préceptes et les conseils qui nous furent prodigués.

L’exposé présenté, même s’il est de façon évidente assorti d’une volonté d’humanisme, pêche sur plusieurs points qui me semblent assez fondamentaux pour être analysés de près.

Tout d’abord il paraît réaliste de resituer le contexte dans lequel cette commune a pu tenter de bousculer la politique municipale antérieure et surtout les excès de cette dernière, cela se traduisant par un manque criant de démocratie lors de décisions importantes prises contre l’avis d’une majorité de la population. En effet sans un projet de création de surface commerciale de taille peu proportionnée à celle de la ville, et surtout un choix d’implantation non concerté, l’équipe en place aujourd’hui n’aurait vraisemblablement pas obtenu une élection au scrutin majoritaire.

Si cet aspect des choses n’est pas déterminant, il est toutefois important pour relativiser et ne pas généraliser la situation ainsi créée dans une petite ville de 1200 habitants de la Drôme ; il est d’ailleurs très probable que ce ne soit pas la volonté politique et citoyenne qui soit déterminante, mais plutôt un « ras-le-bol » généré par l’incompétence d’une équipe en place.

Il semble également indispensable de préciser les conditions dans lesquelles je souhaite développer le présent exposé. Il ne s’agit en aucun cas de porter un jugement sur la forme de gestion et la bonne volonté du conseil municipal citoyen mis en place dans cette ville ; par contre il ne s’agit pas non plus de prendre un modèle qui serait en soi fondamentalement différent de ce qui se pratique généralement dans les collectivités territoriales et serait donc exportable comme une théorie politique de changement.

Enfin, avant d’aborder quelques thèmes, il convient de préciser également que ces sujets concernent l’orateur de manière beaucoup plus précise que les élus ou le groupe qu’il représente.

Quelques points nécessitant controverse :

L’orateur nous précise très clairement que son intervention a une volonté explicative destinée à aider les citoyens à prendre en main leur destin local ; il situe très expressément l’objectif de 2020, séparant ainsi très distinctement les élections municipales de toute autre échéance politique.

L’élu ajoute en outre que la méthode de gestion préconisée ne nécessiterait aucune opposition ; en réponse à une question du public, l’orateur spécifie même qu’il n’imagine pas le rôle de son propre groupe dans une opposition.

Sur la méthode de gestion et le contenu des réunions publiques :

Aucun programme préétabli n’est nécessaire avant que le groupe constitué invite la population à débattre.

L’élaboration d’un programme « ponctuel » n’est en rien définitive ; elle peut et doit évoluer en fonction du groupe tel qu’il se constitue, avant comme après l’élection.

Il est même expressément conseillé par l’orateur que chaque dossier en cours puisse évoluer et changer en fonction de la partie de la population qui le suit.

En réponse à une question, l’orateur précise même que les gens sont très peu concernés par les problèmes budgétaires et économiques ; en conséquence assez peu de réunions se tiennent sur ces

thèmes.

En réponse à une autre question relative à la gestion de la ville de Grenoble et aux projets participatifs de celle-ci avec des citoyens, la réponse clairement émise se traduit par l’affirmation qu’il ne s’agit là que d’une part infime du budget et que ceci ne correspond pas aux orientations prises à Saillans.

Devrait-on conclure de ce qui précède que la direction d’une collectivité locale n’est en rien politique ou économique, et qu’elle ne constitue qu’une sorte de gestion courante des intérêts du groupe local concerné ?

Il convient de rappeler que l’invitation à cette réunion a été faite avec fortes références à l’existence et aux actions de Podémos et d’autres contestataires beaucoup plus politisés que ne semblent l’être ces gestionnaires locaux. La salle était donc essentiellement composée de citoyens proches de ces volontés de changements politique, économique, écologique et social.

Une bonne partie de l’auditoire semblait toutefois sensible à l’argumentaire de l’orateur sans forcément en détecter les contradictions, l’angélisme et parfois la naïveté qui devraient nous interpeller quant à la nécessité d’une généralisation de cette démarche ponctuelle.

Il convient également de souligner :

Que les organisateurs de cette réunion semblent ignorer que notre groupement local de citoyens existe sur le Veynois, se battant depuis de nombreuses années contre toutes les dérives de la politique économiquement ultralibérale ainsi que « sociale libérale » que nous subissons à tous les niveaux géographiques déterminants, de la ville à l’Europe.

Que des élus locaux, issus de notre groupe, invitent régulièrement la population avant leurs interventions au conseil municipal ; sachant que nous tentons également un rapprochement citoyen le plus large possible, notre regroupement allant déjà du Front de Gauche à EELV, et poursuivant ses contacts avec toutes les forces sociales qui souhaitent de profondes transformations de notre société à gauche du parti actuellement au gouvernement.

Conclusions :

Toutes les actions tendant à séparer les actions citoyennes entre le local, le national voire l’européen me semblent pour le moins soumises à controverse en ce qu’elles détournent l’attention des citoyens des causes fondamentales de la crise que nous traversons à tous les niveaux.

Je considère que la pénurie constatée au niveau local n’est pas d’abord le résultat de carences de la part de ceux qui gèrent nos villes, mais bien plutôt d’une volonté politique délibérée liée à un système économique entièrement dépendant du système privé bancaire et des grands monopoles industriels et commerciaux.

C’est d’abord au niveau de l’État (et de l’Europe) que les politiques doivent fondamentalement modifier le sens et le contenu de leurs actions.

Le rôle de l’État, ainsi qu’éventuellement celui du regroupement européen, doit revenir à sa mission essentielle et fondamentale, les fonctions régaliennes que nous jugeons prioritaires : une redistribution plus équitable des richesses ainsi qu’une planification de l’économique et de l’environnemental sur le temps long.

Cette mission doit se réaliser par le biais d’une fiscalité progressive plus juste ainsi qu’un interventionnisme justifié sur la production et la gestion de ce que nous qualifions comme représentant les biens communs de l’humanité.

La démarche qui nous est proposée par l’un des élus de Saillans présente indéniablement un certain intérêt en ce qu’elle semble mobiliser divers courants de pensées (humanistes et favorables aux transformations économiques,sociales et environnementales) ; pour autant la « méthode » proposée semble difficilement transposable à l’ensemble des collectivités locales.

Jean-Claude Charitat.

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