La programmation du théâtre La Passerelle, à Gap, a un penchant assumé pour le cirque et toutes les formes artistiques qui y sont liées. Nous sortions à peine de “Santa Madera” qui nous avait fait trembler et rêver, que s’installait sur Gap les chapiteaux de la compagnie Baro d’Evel. Les nombreux spectateurs qui ont découvert, 4 jours durant, “Bestias” se souviendront longtemps de ce campement poétique et éphémère.
“Bestias” est une proposition hors norme qui mêle cirque, acrobatie, musique, danse et accueille des animaux (chevaux, oiseaux…) pour des moments de liberté époustouflants. Le gradin circulaire est comme posé au milieu d’un univers, d’un pays, d’une famille. On se court après, on se bagarre, on se dispute, on s’aime. Le public fait parti de la famille, on le prend à parti, on l’interroge. Et puis, même si cet espace est plein comme la vie, plein de courses folles et de bruits envahissants, on s’interroge, il y a comme un vide, un trou…
Très peu de mots échangés, des bribes de dialogues, des phrases interrompues, des langues multiples (italien, anglais, français, catalan…) et pourtant ce spectacle développe une philosophie, un message. De cette rencontre avec les animaux, tellement humains, on cherche un essentiel. De cette quête de l’autre, de ses différences, de cette quête d’une cachette, d’une raison de courir, de ces mots lancés comme des bouées, à la fin, au final, au bout du bout, qu’est qui nous rend humain?
Nous ne savons pas vraiment ce qui touche, ce qui rassemble dans une oeuvre. Nous savons simplement quand les minutes passées ensemble à rire, à nous émouvoir, à sursauter…quand ces minutes nous rendent notre humanité, loin des chiffrages permanents et des guerres intestines, bestiales.
Gap se réveillera demain et reprendra son rythme, chacun à ses affaires mais pourtant un peu moins seul d’avoir croisé Bestias, ses femmes, ses hommes et ses bêtes.
Laurent Eyraud-Chaume