La chronique des 4 jeudis #3 par Laurent Eyraud-Chaume
Nous aimerions le matin neuf de l’unité, les joies sincères, l’écoute attentive…
Nous aimerions tourner la page… et nous restons bloqué au chapitre 1 de l’histoire sans fin…Celui où nous (re)démarrons la machine à perdre…
Le printemps est presque là. Il nous regarde hésitant, se demandant si c’est vraiment son tour, si nous sommes prêts…
Nos enfants aussi observent nos hésitations, approuvent nos enthousiasmes et regrettent nos fatigues colériques.
Ils voient bien qu’ils auront à prendre soin de nous, vieux rêveurs de lendemains enchantés qui ne viennent pas…
Nous sommes entrés dans la dimension ultra-réelle de l’extrême-centre : champagne dans les grandes écoles, petit-fours chez les spécialistes de la quantification et du tableur excel… Nous sommes tombés dans le trou noir de la normalité et du vide. Nous sommes au début du bout de la fin de l’Histoire. Les spécialistes sont formels : à présent nous sommes tous d’accord, les experts se chargent de nous !
Bien-entendu, nous percevons encore au loin les cris mếlés de ceux qui rêvent cohabitation, et continue la bataille, nous entendons les cris étouffés des migrants dublinisés, des ouvriers licenciés, des fonctionnaires maltraités…
Le spectacle central est ailleurs, dans la description d’une robe bleue lavande, le récit d’une trahison, le portrait du gestionnaire idéal et les milles et uns détails de la vie de château…
Et en même temps…
Il faudra bien rebondir, trouver les mots du “déjà-là” et du “à-venir”, profiter du printemps, de l’été, rire de nos faiblesses et oublier hier.
Nous saurons sans doute trouver une issue, même un trou de souri, un espace infime où placer nos veilles, nos réveils et nos éveils.
Nous finirons peut-être par nous entendre, nous écouter…Nous pourrons alors parler de visée et non de programme-programmatique-programmable. Nous rirons de nos erreurs de 2017, de nos demi-victoires à un cheveu du grand soir électoral…
Peut-être demain…Nous ferons tout ça…Nous nous organiserons comme une flotte de pirates joyeux partant à l’assaut d’un nouveau monde…
Je prendrai alors ma malle de costume, mon sabre en plastique et mon foulard rouge, je prendrai ma détermination et 2 ou 3 chansons de marins, je saurais rebondir …demain.
Mais aujourd’hui …
Je suis las.
Laurent Eyraud-Chaume.
Merci Laurent pour ce beau texte, si vrai, si sensible. Tu exprimes avec justesse et poésie la lassitude que nous ressentons tous devant l’écrasement continu de nos espoirs. marie-danielle, briançon