trouver le souffle
le second et même le troisième
passer mes saisons, petits soirs, grands matins,
jours d’échecs, nuits de demi-victoires,
passer mon temps de vie ici à trouver une respiration
j’ai vite compris : j’aurais sans cesse le souffle court et
je ne manquerais pourtant pas d’air
tenir tête, faire obstacle de mes mots,
ne rien laisser passer, ni le découragement des phrases fatiguées,
les “c’est la vie”, les “ça a toujours était comme ça”,
ni les chantres irréprochables qui nous l’avaient bien dit,
que si on les avait écouté
trouver le souffle
dans la chaleur suffocante de ce début de règne
c’est aussi savoir laisser passer, prendre une grande respiration,
trouver le souffle, le second et même le troisième,
c’est savoir le reprendre, les mains sur les genoux,
accepter de lâcher prise, avoir droit à son bout de renoncement,
son îlot de “moi d’abord”…
et respirer à grandes bouchées l’air du temps,
s’oxygéner à l’odeur étonnante du réel,
lire un article, jouer, écouter le va et vient de la vie,
cesser d’agir, un instant ou deux…
et reprendre son souffle,
reconstruire une respiration, un rythme,
oeuvrer à reconstruire, en cathédrales imaginaires, une réalité habitable
rêver d’un rythme de vie vivable, pour soi, pour tout ce que la vie engage
et le matin commencer à rebâtir une nouvelle respiration
trouver le souffle
le second et même le troisième
Laurent Eyraud-Chaume