Nous publions ici le communiqué/compte rendu issue des Etats Généraux. Vous pouvez également retrouver différentes publications et reportages photos sur notre page FB : http://www.facebook.com/alpternatives/
Pour que les Alpes ne soient pas une autre Méditerranée, et parce que l’hospitalité n’est pas seulement un devoir mais une chance, l’Etat doit urgemment changer ses pratiques vis-à-vis des migrants.
Un millier de citoyens au cœur de la montagne… car « sauver les exilés, c’est sauver notre âme » (Edwy Plenel);
Une chaîne humaine d’un kilomètre de long sur les pentes enneigées du col de l’Echelle, à la frontière franco- italienne. Cette image illustre la forte mobilisation qui a réuni ce week-end, à l’appel de Tous Migrants, près d’un millier de citoyens, exilés, élus, avocats, professionnels de la montagne et journalistes –dont Edwy Plenel et Cédric Herrou-, venus des Hautes-Alpes, des Alpes Maritimes, de Savoie, d’Isère, de Paris, d’Italie, de Suisse…
Une cordée inédite pour dénoncer la mise en péril des migrants qui franchissent la frontière, bravant le froid, la neige et les forces de l’ordre, et plus largement dénoncer les pratiques de l’Etat qui engendrent cette situation. Depuis le printemps dernier, près de 2000 personnes ont passé le col dans des conditions périlleuses, le plus souvent après plusieurs reconduites illégales à la frontière (atteintes graves aux Droits de l’enfant, à la Convention de Genève, etc.). En portant secours à ces rescapés, qui ont connu l’enfer de la Libye et la traversée de la Méditerranée, les montagnards comme les marins tentent de « sauver notre âme, l’âme de l’Europe » a déclaré Edwy Plenel.
Ce dimanche 17 décembre vers midi sur la montée du col de l’Echelle (versant italien), une personne tentant de traverser malgré des conditions très hivernales (-16 °c, accumulations de neige) a encore été secourue alors qu’elle était en hypothermie et amenée en hélicoptère à l’hôpital de Briançon.
Citoyens réalistes, Etat irresponsable : l’hospitalité est non seulement un devoir mais une chance.
Pendant ces deux jours de mobilisation, les acteurs de terrain ont dénoncé d’une seule voix l’intimidation des citoyens solidaires, la violence de l’Etat aux frontières, le durcissement de la politique française et l’impasse des politiques migratoires européennes. A contrario, chacun a pu témoigner non seulement de la nécessité d’accueillir dignement mais aussi des bénéfices sur le plan humain que cette situation de partage avec les migrants procure. A Nice, Modane, Briançon, Oulx, Bardonecchia, nombreux sont les citoyens et les élus mobilisés pour être à la hauteur du devoir d’hospitalité.

La politique réaliste n’est pas celle menée par l’Etat mais par tous ces citoyens anonymes qui mettent en œuvre la solidarité et pallient les carences de l’Etat. Parce que partout « où l’on accueille bien, cela se passe bien » a-t-on pu entendre au fil des débats et de témoignages. Accueillir bien, c’est permettre aux mineurs d’aller à l’école, aux demandeurs d’asile de voir leur procédure se dérouler dans de bonnes conditions, d’avoir accès au travail et aux formations, aux accueillants de pouvoir le faire sans être inquiétés. Au nom de la lutte contre le terrorisme, non seulement les droits des personnes sont bafoués mais l’Etat crée lui-même des impasses en déployant des moyens démesurés pour militariser les frontières, trier les migrants… au lieu de faciliter les parcours et la solidarité.
Et maintenant ? « Prendre possession de l’espace public » (Cédric Herrou)
Plusieurs pistes d’action émergent déjà de cette première étape des Etats généraux des Migrations qui vont se déployer en décembre-janvier-février et devraient aboutir à un rendez-vous national au mois de juin :
• Rendre plus visibles -pour essaimer- toutes les initiatives citoyennes d’hospitalité, qui renforcent le lien social et la citoyenneté, car elles nous enrichissent personnellement et collectivement ;
• Documenter et médiatiser à grande échelle tous les avantages à accueillir des migrants pour notre société ;
• Outiller citoyens solidaires comme migrants, pour les rendre plus sûrs de leurs droits, grâce à une plus grande mutualisation et diffusion des ressources (type guides pratiques) ;
• Créer des maisons de l’hospitalité dans le maximum de communes, pour revaloriser l’accueil comme valeur humaniste majeure ;
• Mener des actions de sensibilisation/formation auprès des agents de l‘Etat (forces de l’ordre, services administratifs) sur leurs droits, pour les aider à se désolidariser des instructions reçues quand il le faut;
• Quantifier l’effort naturel de solidarité (hébergement, repas, accompagnement social et juridique, etc.) versus les dépenses de l’Etat dédiées à ses pratiques répressives, pour dénoncer y compris financièrement l’absurdité de la situation;
• Collecter, par une initiative citoyenne européenne, le million de signatures nécessaire pour remettre en cause le futur règlement Dublin IV ;
• Plaider pour une politique internationale qui crée la paix, la justice, l’éco-développement et mette fin au pillage des ressources et à l’aggravation des inégalités économiques au niveau des pays ou des hommes;
• Enfin et surtout, sans relâche, mettre l’Etat face à sa responsabilité à chaque fois qu’il viole les droits des personnes, migrantes ou solidaires, en faisant des recours auprès des tribunaux et jusqu’à la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Nous n’assistons pas à une crise des migrants mais bien à une crise de l’accueil et de l’Etat de droit. C’est un rendez- vous historique avec notre humanité que les Briançonnais, montagnards et citoyens solidaires sont décidés à ne pas manquer.