Montgenèvre : 150 personnes, 1 maraudeur et un couffin.

Alp’ternatives vous propose le récit de 3 « journalistes-citoyens » (Alice Prud’homme et Jean-Paul Leroux en mots et Steeve Peyron en vidéo) sur le rassemblement de soutien au « maraudeur » qui a permis la naissance de Daniel. Si les valeurs de la République ont encore un sens, elles vivent dans ces actes de désobéissances et de solidarités. Lec.

Col du Montgenèvre, mercredi 14 mars, 9h.

En ce mercredi matin, nous sommes devant le poste de la police des frontières, du col de Montgenèvre, entre l’Italie et la France. Une foule de personnes s’approche, au fur et à mesure, en face des forces de l’ordre présentes en nombre important, laissant une voie de passage, des voitures entrent, ne sachant pas vraiment qui a le plus peur ! Il est 9h du matin, un 14 mars, l’hiver est déjà bien avancé et pourtant il fait encore froid, la neige est encore présente en masse, laissant penser à ce que peuvent endurer les migrants capables de passer n’importe quand par ce col. Autour de cet espace médiatisé, les skieurs continuent à passer sur les pistes tout autour sous le ciel bleu Haut-Alpin, comme si il y avait deux mondes, deux vies dans nos vallées… marquant un décalage irréel. Depuis plusieurs mois à Montgenèvre, il y a une vie de loisir le jour et une autre de survie la nuit !

Prés de 150 personnes sont présentes finalement pour soutenir le maraudeur convoqué au poste, suite à son action humaine de samedi soir dernier. Celui-ci, accompagné d’un avocat de l’association « Tous Migrants », rentre au poste pour sa convocation, sereinement. Dehors les manifestants, discutent calmement sous des aires de musiques joyeuses, un chant est entamé « les sans papiers »… Les forces de l’ordre ne bougent pas, regardent, comme si rien ne pouvait les atteindre. Puis des prises de parole commencent. Des masques tricolores portés par des manifestants parlent à tour de rôle, de fraternité, égalité, humanité, légalité, solidarité, citoyenneté, intégrité, communauté, liberté, diversité et d’hospitalité. Ces mots forts sont définis, comme si il fallait rappeler sur quoi notre société est fondée. Certains jeunes membres des forces de l’ordre semblent écouter avec attention et adoucir leur visage. Finalement, ces mots oubliés sont le fondement de ce pourquoi ils se sont engagés ? A ce moment, peut-être que les premières victimes sont eux, engagés sans ne plus avoir conscience de leur action, du pourquoi et du comment ils sont là, de leur liberté humaine qu’ils devraient exercer ? Une photo est faite de ces masques devant eux, nous aimerions tellement savoir ceux  que l’humain caché derrière cette tenue pense.

Puis une lettre écrite par la femme du maraudeur convoqué, est lue par une tierce personne. Une lettre émouvante d’une femme ayant eu trois enfants, qui  se demande comment une autre femme, policière, a pu agir de la sorte. Comment a-t-elle pu laisser souffrir cette femme sur le point d’accoucher aussi longtemps ? En tant que femme pourquoi n’a-t-elle pas activé ses collègues masculins pour enclencher les secours plus vite ?  Dans sa lettre, elle rappelle que connaissant la douleur et l’épreuve de mettre au monde un enfant, on ne peut accoucher dans une voiture au froid, au milieu des policiers… pour finir elle reste, malgré cette incompréhension et cette déshumanisation, heureuse d’avoir été à la maternité et vue ce nouveau-né, son carnet de santé posé sur la bible de sa mère. A la fin de la lecture de cette lettre, l’émotion est  grande dans la foule et les forces de l’ordre n’ont pas bougé de place mais comment peuvent-ils être bien à ce moment précis ?

Il est 10h15, le maraudeur sort avec discrétion et simplement. Les médias l’interrogent, puis prend le micro, pour dire quelques mots. Il remercie les personnes d’être si nombreuses pour le soutenir, et explique qu’il a dit à son interrogatoire, que si c’était à refaire il le referait ! Finalement il n’y a peut-être rien d’autre à dire… faire ce que l’on sent.

La foule se disperse, je remercie le maraudeur, il me dit merci d’être venu et je lui redis, non c’est merci à toi Benoit.

Alice Prud’homme.

 

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Le sauveur de Daniel et de sa maman à la PAF

Benoit Ducos, ce pisteur-secouriste qui a aidé une femme nigériane à atteindre l’hôpital de Briançon pour mettre au jour un petit Daniel, était ce matin convoqué à la PAF de Montgenèvre pour se voir sans doute affublé de délits imaginaires. En conséquence une manifestation de soutien était organisée aujourd’hui à 9 heures pendant l’entretien.

La manif était bien plus que symbolique, un peu plus de 150 personnes battaient la chaussée pour le soutenir. Banderoles, musiques, prises de paroles, pancartes un véritable flot d’initiatives personnelles ou d’associations animèrent ce moment magique d’interpellation de la force publique. Ah! vous interpellez les sauveteurs de femmes enceintes sur le point d’accoucher, et bien nous vous interpellons au nom de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, de la citoyenneté, de l’humanité. Deux bébés de quatre mois participaient à cette contre-interpellation en soutien à Daniel, au moins un tiers des participants parlait italien pour dire leurs préoccupations devant l’attitude de la police française, un maire italien s’étonnait : « je ne savais pas que les douaniers français étaient aussi obstétriciens et avaient des pouvoirs de police », « il le faut car les embryons (donc le futur Daniel) sont des marchandises sans papier donc illégales!!  et la porteuse d’embryon une passeuse prise en flagrant délit d’introduction d’une denrée dangereuse! » Des discours surréalistes pour ne pas pleurer devant l’inanité de ce qui s’était passé et bien faire comprendre à tous de quel côté se trouve le cœur, la dignité, l’humain et ces lois éternelles d’hospitalité que défendait Antigone.

Enfin, notre Antigone, mais il ne sait pas qu’il lui est comparable tant il est modeste,  Benoit Ducos sort, fatigué par une heure d’interrogatoire et de mise en garde. La suite du dossier est entre les mains du procureur de Gap. Osera-t-il poursuivre ? S’il y a un procès, on se régale d’avance du choc des plaidoiries, de la lutte entre la loi de Créon et celle d’Antigone, de la pauvreté de l’accusation face à la noblesse de l’acte salvateur. Parions que le Procureur aura peur du ridicule et classera l’affaire sans suite, s’il le fait ce sera son honneur, sa participation à la naissance de Daniel, sinon.. ?

Ah oui, j’allais oublier l’A.P.A.S.E  va peut-être loger le père et la fratrie de Daniel à Briançon, la famille va pouvoir, enfin, être vraiment réunie.

Jean-Paul Leroux

 

 

3 commentaires

  1. Merci pour cette transmission d’infos pour ceux du Sud des Hautes-Alpes qui n’ont pu se déplacer. Ca fait chaud au coeur de voir la mobilisation toujours active face aux actes d’inhumanité de cette police aux ordres de l’Etat. A quand la condamnation de ces policiers « forces de l’ordre » (l’ordre de l’immoralité!) pour non assistance à personne en danger? Les donneurs d’ordre me dégoûtent, mais encore plus, m’apporte un sentiment de honte d’appartenir à la France. Oui, Collomb fiche le camp, oui, Macron président de la honte.

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