Loi Collomb : « Droits fondamentaux » contre « principe de réalité »…

Le 11 avril 2018 en commission des lois, le Défenseur des droits très critique sur le projet de loi sur l’immigration et le droit d’asile est pris à partie par des députés de la majorité. Sa réponse est une mise au point magistrale et justifie qu’on s’y arrête un moment. (voir la vidéo avant de lire l’article 😉 )

« Les droits fondamentaux, ce n’est pas dans l’éther, c’est sur les trottoirs de la Villette ! »

 

Creusons un peu…

Alors que des députés de la « majorité » au pouvoir diluent le droit fondamental dans le « principe de réalité », le défenseur des droits rappelle simplement qu’on ne peut pas mégoter un principe commun validé par de la jurisprudence du seul fait de l’incapacité supposée à la respecter. La loi doit être conforme au grand principe sinon ça n’a pas de sens.

« Caricature ! » crient, vitupèrent, aboient, quelques députés de la majorité à propos de la remise en cause de l’inconditionnalité de l’accueil et de l’hébergement. Le défenseur rappelle donc que le droit fondamental, le grand principe sur lequel repose toute jurisprudence, n’est pas une caricature et que ne pas s’y conformer pour le législateur au nom d’un autre principe qui serait édicté par de la « réalité » pose un « problème » majeur.

Qu’est-ce donc que ce « principe de réalité » si souvent brandit pour justifier le grignotage du fondement même de notre société en tant que base du vivre ensemble?

Grosso modo l’institutionnel dit « oui il y a les grandes idées, c’est joli, ça fleurit des frontons des mairies et les fêtes des écoles et même des prisons, et puis il y a la réalité qui, elle, s’impose concrètement quitte à ne rappeler les grandes idées que dans les grands discours » et patin couffin ! Sauf qu’en y réfléchissant un peu, en creusant… On se rend compte que cette « réalité » est d’abord celle de l’incapacité soit par incompétence soit par volonté de ne pas faire. On ne parle pas là de l’incapacité factuelle, mais de la législation qui s’y conforme, s’y aligne.

Dans les deux cas, le « principe de réalité » d’incapacité qui devient supérieur au droit fondamental (droit validé par de la jurisprudence et non principe abstrait, déconnecté de la réalité) est une remise en cause à caractère révolutionnaire puisqu’on prétend que le principe de base ne tient plus et qu’on y impose un principe hors de tout fondement.

On l’avait pas vu venir celle-là ! La révolution est en marche, mais pas celle sur laquelle repose notre bien fragile « vivre ensemble » et qui a gravé dans le marbre quelques bases communes. Or, une société fondée sans cap, sans quelques valeurs communes par lesquelles nos altérités peuvent se rejoindre, est une société qui laissera le plus fort, le plus puissant, le plus riche, le plus armé, poser ses conditions. Aujourd’hui là tel pouvoir, mais demain advienne qui pourra et fera ce qu’il veut s’il en a la puissance.

Mais en réalité, bien sûr qu’on la voit venir et surtout depuis les trois derniers quinquennats. Nous sommes dans une accélération de cette déstructuration sociétale que de Gaulle craignait de voir devenir une république clientéliste. La nation n’est plus qu’un vulgaire comptoir de petit commerce basé sur des règles édictées par le « principe de réalité » aléatoire. Marianne en employée libre-service aujourd’hui, mais si le « principe de réalité » s’impose autrement elle pourrait tout aussi bien être mise au tapin. Mais tout le monde ne fait pas ce qu’il veut… Seul celui qui a la puissance de feu, économique et pas que, impose son « principe de réalité » à tous, qui lui convient. Ainsi l’  « État » n’est plus toi, moi, nous, mais une entité indépendante de notre volonté, qui ne fait pas sens commun, mais sert et s’adapte aux intérêts du pouvoir de feu, économique, du moment.

La liberté out. L’égalité sera selon le « principe de réalité » quant à la fraternité… Et parce que la nature humaine a horreur du vide,  elle se communautarisera.

Voilà ce que ces députés qui vitupèrent, aboient, sur le défenseur des droits, défendent. Consciemment… Inconsciemment… Par pure idéologie ou simple bêtise intellectuelle… Par insouciance des conséquences inéluctables d’une société dont le moteur est alimenté par l’individualisme consumériste… Difficile à dire. Il y a sûrement dans la quantité un peu de tout ça.

Toubon a tout bon sur cet échange qu’on peut qualifier d’anthologique. Dommage qu’il ne tape sur la table que maintenant… !

Leo Artaud

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