par Leo Artaud
Ça y est ! Emmanuel Macron part en campagne. Première étape de son périple, intitulé « grand débat national« , à Grand Bourgtheroulde en Normandie. Il y fut reçu par 653 maires issus de toute la région. Le Président fut accueilli dans un gymnase austère avec deux drapeaux français accrochés pour tout décor et un cercle de chaises pour faire genre « démocratie participative » à la Ségolène Royal. Il ne manquait plus que de faire reprendre en chœur « F R A T E R N I T É » et l’illusion eut été parfaite. D’illusions, il fut d’ailleurs beaucoup question lors de ce marathon oral de 7 heures.

L’autre illusion fut de laisser croire que les maires avaient envie d’être là. À près d’un an des « municipales » certains goûtent peu d’être associés à une opération si peu claire dans son fondement comme dans sa finalité. L’impréparation de beaucoup d’intervenants en dit long sur le peu d’enthousiasme ambiant. Qu’importe pour le Président, en mode Royal, il démonarchise son propos ou le dérévolutionne… En renommant les « Cahiers de doléances » en « Cahiers de droits et devoirs ». Il est vrai que Louis bâton-croix lavait même les pieds des lépreux qui déconnaient et que les révolutionnaires coupaient aussi la tête des grands bourgeois qui croyaient faire bien.
Le jeu des questions pouvaient commencer, la plèbe étant contenue au loin par la marée-chaussée.
Passée la petite émotion en gorge de s’adresser à une vedette de la tévé, un à un les élus exprimeront pour l’essentiel leur préoccupation structurelle et accessoirement les revendications de leurs administrés. Animé par un « g-o » du gouvernement, le débat prit vite un air de réunion de conseil départemental. Terre à terre, les roues collées à la gadoue, on frémit parfois lorsque des tripes à la mode normande semblent vouloir élever la chose mais retombe tel un soufflé administratif peu passionnant et pas toujours très construit. Macron comprend rapidement, on peut le lire sur ses rictus, qu’il n’a rien à craindre et va pouvoir dérouler son numéro.

Le bougre est agile dans ce type d’exercice et semble infatigable. Il aura, quand même, une petite sortie intéressante sur l’apprentissage. Ce sera le seul échange constructif à partir d’une proposition osée de rallonger l’âge de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. D’un contre-argument non moins osé, Emmanuel Macron se déclarera plutôt favorable à une obligation de formation jusqu’à l’âge de la majorité pour ceux qui ne se sentent pas bien dans l’école classique. En soulignant qu’un maître d’apprentissage peut être aussi un maître de vie et de civilité, c’est le Président qui lève un tabou d’un totem de la gauche. Joli coup mais qui doit être mis en face d’une politique qui, inversement, réduit l’enseignement d’un métier en « modules de compétences et de qualifications ». Bref… Comme chantait un certain, ça sent la formation « poubelle, ouverture habituelle des horizons bouchés ». Dommage.

Léo Artaud
Chroniqueur