Vendredi soir l’«Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers» [Anafé] présentait son rapport d’observations 2017-2018 sur le traitement des personnes étrangères par la police française aux frontières entre Menton et le col du Montgenèvre.
Ce document de 140 pages consigne scrupuleusement la façon dont la police aux frontières s’acquitte de ses tâches. Les observateurs sont les salariés de l’Anafé, des parlementaires, des députés européens, des membres de la Commission nationale des droits de l’homme (CNCDH) et les personnes dites «maraudeuses» qui portent secours aux personnes passant la frontière dans des conditions climatiques extrêmes.
Trois constats, tout d’abord, il faut savoir que la frontière est sous contrôle militaire. L’État français est en guerre contre une armée constituée de « fuyards » désarmés qui désirent échapper à la misère, la privation de liberté, voire la mort. Devant cette menace extrême mais totalement imaginaire, il fallait, c’est la moindre des choses, recourir à la militarisation de la frontière qui elle n’est pas fantasmée mais bien réelle avec des conséquences prévisibles lorsqu’on mène une politique de rejet. Il y a eu des morts, quatre pour les Hautes Alpes, vingt-deux dans les Alpes-Maritimes, des blessé.e.s traité.e.s à Briançon et Nice, etc..
Ensuite, nous apprenons que les contrôles se font aux « faciès ». A la question posée à des gendarmes mobiles qui « tenaient » un chemin de montagne : « pourquoi êtes vous là ? » ils répondent : « on est là pour les migrants » ; « mais qu’est-ce qu’un migrant ? » « c’est un noir, mal habillé », (p. 89 du rapport). Tout est dit, à la frontière se mène une politique «raciste».
Enfin, les personnes exilé.e.s ne sont plus traité.e.s comme des personnes mais comme des chiffres. Ce qui compte c’est le nombre de refoulé.e.s au mépris de leurs droits : confiscation de leurs papiers voire destruction de ceux-ci, modification des dates de naissances, papiers pré-remplis avec leur soit disant accord pour être refoulé.e.s, etc… La frontière en tant que zone militarisée est devenue un lieu de non-droit. Seul semble compter le rapport de force entre deux armées, l’une moderne, suréquipée, surarmée, l’autre inexistante faite de pauvres bougres «mal habillé.e.s». On atteint le comble du ridicule, mais c’est un ridicule qui tue. Il faut aussi souligner l’existence de lieux d’enfermement sans aucun contrôle possible «aux conditions de privation de liberté inhumaines et dégradantes» (p. 73).
Face à cette brutalisation des rapports humains que propose l’Anafé? Elle recommande que les personnes étrangères puissent faire valoir leur droit, qu’elles soient traitées dignement et que s’arrêtent les pratiques arbitraires et violentes, qu’elles ne soient plus privées de liberté. Elle demande que l’administration organise le sauvetage des personnes en danger, cesse de refuser d’enregistrer les demandes d’asile, prenne en charge les mineurs isolés étrangers. Elle pense qu’il faut mettre fin au «délit de solidarité» qu’il s’agisse de l’entrée, de la circulation ou de l’aide au séjour. Enfin, il faut mettre fin au rétablissement des frontières internes au sein de l’espace Schengen.
L’Anafé a remercié toutes les personnes qui œuvrent à rendre leur humanité aux personnes exilé.e.s mais leur travail et leur action méritent tout autant notre admiration. Leur rapport est une aide considérable dans la « bataille » pour rendre le monde humain et faire cesser la « guerre » absurde que les forces militaires de l’État français mènent sur les frontières. Nos politiques peuvent-ils entendre ce cri de la société civile : « aucune femme, aucun homme n’est «Persona non grata» ». Nous sommes tous les bienvenu.e.s dans l’humanité une qui nous constitue.
Jean-Paul Leroux
23 février 2019