Cyril Dion était à Briançon ce mardi 2 avril, pour participer à un débat, non pas sur les prochaines élections européennes, mais sur la transition écologique de demain (au mieux) et d’après demain (au pire… )
A l’initiative du Pays du Grand Briançonnais et de son président, Pierre Leroy, le réalisateur du film « demain » et « après demain » et écologiste Cyril Dion y était cette semaine pour enclencher un nouvel élan d’initiatives pour l’avenir de la planète. Ce débat a été organisé pour, en effet, lancer le nouveau contrat de transition écologique (CET) que le pays du grand briançonnais va bientôt signer avec le ministère dit de « l’écologie… ». Un tel événement phare pourquoi faire? pour réveiller les consciences endormies, pour éveiller les consciences éloignées de cette question, pour redynamiser les énergies fatiguées des acteurs du territoire pour la transition et pour faire parler d’ici, là bas, dans ce ministère étrange…
La soirée s’est déroulée en deux temps par la projection du film « Après demain » suivi du fameux débat entre Cyril Dion et Pierre Leroy au théâtre du briançonnais, en présence de 250 personnes ! Cerise sur le gâteau, pour commencer une vraie transition et éviter de déplacer les foules de tout le territoire s’étalant de Saint-Véran, à la Grave en passant par Champcella, la soirée a été retransmise dans 30 communes sur 36 constituant le pays du grand Briançonnais, avec une petite clé USB pour le film et un direct de D’ici TV avec les moyens techniques du bord, une caméra ! 300 personnes se sont ainsi retrouvées en petits groupes dans des bars, bibliothèques, mairies… pour visionner et échanger sur la vaste question de la transition et ont pu envoyer leur question directement sur le plateau télé….comme quoi tout devient possible dans les Hautes-Alpes. Mais ces moyens sont nécessaires vu l’ampleur du défi, décrit par le récit de Cyril Dion qui pourrait nous faire rentrer tous en dépression… Et bien non avec son attitude décontractée, sa simplicité et sa bonne humeur, tout ce qu’évoque C.Dion arrive à être entendu avec une note d’humour et positive…

Un récit alternatif
Comme dans ses films, Cyril Dion arrive à décrire un récit alternatif qui donne envie. Pour lui, ce récit doit gagner la bataille fasse au récit du capitalisme et du consumérisme. Pour gagner ce récit comment faire ? Et bien personne ne sait comment faire, personne n’a la réponse car il n’y en a peut-être pas, les intérêts entre l’écologie et l’économie étant tant contradictoires…
Une intelligence collective
C.Dion évoque ainsi la possibilité de construire des mécanismes d’équités collectifs et une démocratie, non moins collective, afin de créer de l’acceptabilité aux décisions prises et non qu’elles soient ressenties comme punitives. Il existe des règles communes qui protègent les humains, comme le code de la route, par exemple.
A partir du moment où le changement climatique a été déclaré dangereux pour l’humanité et la nature, il faut de la même façon mettre en place des règles communes. Mais ces règles doivent venir de l’intelligence collective et non d’en haut pour qu’elles soient équitables et ne soient pas vécues comme totalitaires. L’exemple de la taxe Carbone et des gilets jaunes en est un ; la taxe a été imposée d’en haut de façon inégale puisque les gros pollueurs (avions, ferrys) en sont épargnés, résultat, c’est un échec. Il insiste sur cette intelligence collective qui a une grande capacité à résoudre des solutions. Pour cela il faut créer des assemblés de personnes tirées au sort comme en Irlande, travaillant sur un sujet, proposant des lois… ensuite votées par les élus.
Travailler ensemble
En vient alors la problématique de travailler ensemble pour créer cette intelligence collective, apprendre à coopérer pendant toute l’éducation scolaire… cette discipline semble bien absente dans l’éducation nationale. Cyril Dion a observé le contraire en Finlande ou les enfants s’entraident en permanence pendant l’apprentissage et pendant les contrôles aussi…Un professeur Finlandais a expliqué à Cyril Dion ,qui surpris de voire deux élèves parler pendant une interro, qu’ils s’aidaient, c’est tout et que le but c’est d’apprendre et non d’avoir des notes; d’ailleurs, ils n’en ont pas ! Le prof rajoutera qu’il trouve que la France est un pays en voie de développement en matière d’éducation… rire dans la salle !
La mobilité
Contraint de constater que la plus grande problématique du territoire ici est la mobilité, Pierre Leroy rappelle que cette compétence n’est pas attribuée aux mêmes instances selon les lieux, n’arrangeant pas ce problème point rouge du pays grand briançonnais. Quelques actions ont été menées ici, comme l’aide à l’achat de vélos électriques, quelques bouts de voies vertes… et ne parlons pas de transports en communs… L’assemblée attend alors des solutions miracles de C Dion ? Il faut, selon lui, repartir de la base, l’organisation du territoire… pourquoi sommes nous les champions du monde après les Etats-Unis… des zones commerciales en périurbains ? centres-villes déserts et voitures reines… allez donc demander à la grande distribution ? Il faut donc structurer nos villes en fonction des déplacements… Il faut faire confiance au télétravail où, selon une étude, les travailleurs sont beaucoup plus efficaces à domicile… Relocaliser les moyens de production, mettre en place les autos partagées et réduire l’encombrement où 90% du temps nos voitures sont garées… des navettes à la demande, une organisation collective quoi ! Tout n’est peut-être pas forcement adapté à notre terrain…Pierre Leroy rappelle que l’ADEME a sélectionné le conseil départemental 05 pour les voies cyclables, bientôt une vraie terre de vélo les Hautes- Alpes ?
L’entreprise citoyenne
Pierre Leroy évoque toutes les actions nombreuses faites à travers les 36 communes en matière de rénovation énergétique, d’alimentation biologique (cantine, agriculture…), d’énergies renouvelables, expliquant pourquoi le ministère a choisit le pays de grand briançonnais comme pilote pour ce nouveau CET. Il regrette que les citoyens ne s’emparent pas assez des outils disponibles et souhaite que cela change. Ce contrat doit faire naître des projets en transition venant des citoyens et des entreprises ! C’est alors que Cyril Dion reprend son récit, celui qui doit infiltrer les multinationales pour que l’utilité sociale et écologique remplace l’utilité du profit ! Le monde de l’entreprise ne doit plus s’exonérer de sa responsabilité sur l’Objectif du débat… mais on comprendra vite dans son intervention que les rachats d’une petite entreprise écolo par une multinationale ne change pas les objectifs de cette dernière. La solution est d’inverser le ratio entre multinationales et micro entreprises. Les entreprises locales indépendantes produisent 2 à 4 fois plus d’emplois et de richesses locales, il faut que des millions d’économies locales s’interconnectent… faut-il pouvoir lancer le projet ? Le nouveau contrat du territoire peut être un levier permettant d’obtenir des aides techniques et financières, rappelle P. Leroy aux téléspectateurs et, surtout, au sous-préfet présent dans la salle… l’État ne doit pas oublier ses engagements
Du sens
Pour que ces entreprises naissent, conclura Cyril Dion, il incite les citoyens à libérer leur créativité, à donner du sens à ceux qui font. Se sentir responsable de l’endroit où l’on vit pour faire des choses bénéfiques à cet endroit. Même s’il est conscient qu’il faut vivre, malgré tout, rappelant que 30 % des emplois sont des bullshit-jobs (job à la con) ,essayer de garder quelques heures par semaine pour faire des choses qui ont du sens, si ce n’est pas déjà le cas !
De nombreux autres sujets seront évoqués lors de ce débat mais le contrat est rempli. La salle est restée attentive à Briançon, signe d’un grand intérêt au débat, Cyril Dion a toujours le sourire, Pierre Leroy est satisfait attendant avec impatience un rendez-vous au ministère pour signer le CET. Le PETR espère voir naître rapidement pleins de démarches en transition dans les mois et années prochaines sur le territoire. Car si en France la température moyenne a augmenté de 1,5° dans les Hautes-Alpes c’est de 2,5° l’augmentation, vite à demain…
Alice Prud’homme