C’est un scoop ! La culture est toujours plurielle. Elle prend un « s » quelle que soit sa nature, même, et surtout, lorsqu’on l’écrit au singulier. En cette période de bac philo, qui sera si essentiel si on veut comprendre ce que le conseiller Pôle Emploi veut dire par « traverser le rue… sur le trottoir d’en face, il y a de la place », il n’est pas incongru de se poser la question : qu’est-ce que la culture singulièrement plurielle?
L’humain est un paysan qui cultive et devient son propre pays. D’où vient son premier cri, sa première faim, la chaleur de sa première tendresse… d’où la latitude, la longitude, la saison ou la position des astres de sa naissance, il cultive dés que ses sens se mettent en action. Même s’il était une fleur, un arbre, un verger, il dépendrait de la pollinisation des insectes voyageurs et des pollens universels qui vont de vent en vent à la faveur du ciel. Mais il n’est pas un arbre… Il marche.
Tout au long de sa marche, il respire des parfums, entend des sons, apprend des choses, transmet et témoigne… Il aime, il déteste, il s’accommode ou se déplace. Le coucher de soleil comme la foudre, la dentelle des cyrrus, le caillou contre lequel il butera, cette airelle cueillie à la rosée, le muscle désoxygéné à ne plus pouvoir rester debout… Tout cela sera dans le regard qu’il rendra à celui qu’il croise au détour d’une misère ou d’une joie… C’est tout cela qu’il cultive et qui en fait un pays à lui seul. Voilà pourquoi « culture » prend toujours un S ».
J’ai regardé les passants, ce samedi 15 juin, au centre diocésain de Gap, où se déroulait la manifestation « Gap : ville du monde » organisé par « Le Réseau hospitalité ». Chacun d’entre-eux était un pays, une masse de cultures heureuse de partager les fruits en musique, en gâteaux, en danse mais surtout… en regards !
Je me disais que si un flic ou un politicien venait là poser une frontière au milieu des gens, il aurait une tête de glyphosate. Il dirait « ma culture est en danger ! on m’envahi ! On me remplace ! »… Il oublierait le S. Il oublierait qu’il est lui aussi un pays en soi. Qu’il a croisé mille et mille visages, vu tant de lever de soleil, de lit de neige couvrant sa peine le temps d’une saison, pleuré ses morts, embrassé ses vivants, aimé ! détesté ! buté aussi sur quelques cailloux. Il oublierait qu’il est si singulier de tout ce qu’il a cultivé. Et s’il est un bon sens qui n’échappe à aucun paysan digne de ce nom: c’est qu’on ne cultive pas sans partager.
Le 22 juin prochain se tiendra à la Roche de Rame un grand appel d’air de la cultureS.
