Prés de 2500 personnes étaient présentes à l’appel, ce 22 juin, du comité de soutien des 3+4+2… à la Roche de Rame. Retour sur l’histoire de la journée de ce Grand Appel d’Air peu ordinaire vue de l’intérieur.
Usé de ces procès de maraudeurs et militants solidaires à Gap, de ces condamnations injustifiées, de ces gardes à vues répétées, de ses auditions oppressantes, de ces pressions policières, de cette militarisation de la frontière, de ces idées fascistes envahissant l’Europe, de ces femmes, ces hommes et enfants en migration au risque de leurs vies… il semblait nécessaire de redonner un coup de booster pour ne pas qu’on s’habitue, qu’on oublie ce qui se passe ici et ailleurs.
Au vu des procès futurs en appel coûteux et des nombreux migrants en souffrance en Italie, rien ne s’arrêtera encore demain. Alors il était temps de reprendre des ressources et des forces. Ainsi est né pour toutes ces raisons le festival du Grand Appel d’Air, organisé par le comité de soutien des 3+4+2… soutenu par de nombreuses associations.
Depuis le mois de janvier, le comité a travaillé sur ce projet avec une petite dizaine de personnes qui ont créé ce festival avec les compétences de chacune et chacun… Puis au fil des réunions, la journée s’est dessinée, la petite dizaine de militant n’a fait qu’augmenter. Au fur et à mesure, la liste des artistes, films et interventions s’étoffaient sans cesse, les problèmes techniques se résolvaient, et il ne restait que le soleil a espérer. C’est ainsi que dés le jeudi dans le parc de la Roche de Rame, un chapiteau a commencé à se dresser, et c’était parti pour 4 journées intenses. C’est plus d’une centaine de bénévoles gonflés à bloc par les Croquignards, les Tabliers Volants, les pizzaïolos Italiens, Accousmie, Tous Migrants… et cinquante artistes, qui au bout du compte ont fait cette journée.
Dés l’ouverture du Grand Appel d’Air, des visiteurs étaient présents à l’entrée entre les mains de l’artiste Quebeuls; des mains demandant de l’aide. Pour le premier film, pourtant déjà passé plusieurs fois dans la vallée, « Déplacer les montagnes » de Laetitia Cuvelier et Isabelle Mahenc, la salle est remplie en 10 minutes et ne désemplira pas de la journée… Alors que le premier groupe Michti Swing se met en scène avec le sourire, même sous l’orage, certains découvrent le site, d’autres sortent du film et les autres vont se restaurer auprès d’une cantine de joyeux bénévoles cuisiniers.
La journée est maintenant lancée, puis comme un fleuve tranquille, tout se déroule légèrement… les films s’enchaînent avec le plein de spectateurs pour tous de « Colis suspect » de Rosa Perez Masdeu et Sifia Catala vidal, à l’avant première du film « Je ne sais pas ou nous serons demain » de Muriel Cravatte, qui sera passé deux fois dans la journée pour ne pas faire de déçus.
La table ronde sur le thème de l’Europe forteresse ou Europe Ouverte menée par des femmes chercheuses, militantes et politiques est d’une qualité remarquable … Pendant ce temps dehors les balances de Zoufris Maracas ne gênent en rien et sont mêmes agréables. Une pièce de théâtre pour enfant « Né quelque part » par Mathieu Barbances racontant le parcours d’une famille syrienne jusqu’en France et est suivie avec une attention incroyable en pleine air. Les crêpes sont bonnes, le soleil est de retour, les bénévoles assurent avec le sourire, la soirée festive peut alors commencer. Les concerts ne font que s’enchainer avec fluidité, d’une scène à l’autre, les techniciens du son assurent malgré le challenge de sonoriser 8 groupes… tous les styles de musiques résonneront, du jazz envoutant de Passeport-quartet avec Raphael Imbert, une fanfare dansante et festive « Maiden Voyage », du swing « Dizzy Gilagio », du chant avec « les Fiiiilles » , la tète d’affiche survoltée et inratable avec les Zoufris Maracas, du surf rock des « Profdeskids », à la cumbia plein de punchs des queyrassins « QBS » pour finir avec les engagés et amis Italiens rockeurs Dialcaloiz.
Le public est au top, festif, zen, respectueux des lieux, des autres, et attentifs aux prises de paroles intercalées entre deux groupes pour ne pas oublier pourquoi on en est là ! La musique s’arrêtera tard dans la nuit… à la sortie on offre des fleurs pour prolonger cet esprit bienveillant. Les bénévoles ne retiendront qu’une seule chose : les sourires, les centaines de merci et de regards sincères reçus des festivaliers.
Ce 22 juin il y avait une énergie, il y avait quelque chose de particulier, quelque chose d’indescriptible et de si bon. Une bulle d’air remplie d’une vraie humanité était présente à la Roche de Rame. Maintenant il n’y a plus qu’à espérer que cette bulle éclate pour contaminer l’air entier… Ce même week-end 24 exilés sont arrivés après une longue marche au refuge à Briançon.
Alice Prud’homme
(photos Steeve Peyron)
Bravo et merci à toutes et à tous pour cette super initiative et ce « sans faute » magique pour une cause qui nous concerne tous et nous tient tant à coeur!