« Je me souviens des 11 novembre… » par Jean-Paul Leroux

Je me souviens des 11 novembre, du défilé des troupes auquel mon grand-père me menait par un temps gris, il mettait sa légion d’honneur, sa croix de guerre, et d’autres dont je ne me souviens plus.

Je ne me souviens plus si les défilés avaient lieu boulevard Victor Hugo ou rue du Maréchal Joffre. Il eut été normal que ce fût rue du Maréchal Joffre, le vainqueur de la guerre 1914-1918 qui a  permis l’armistice le 11 novembre 1918 et la victoire, mais la rue était trop petite, le boulevard devait mieux convenir et puis Victor Hugo était un ancien député de la IIIe République qui a été l’organisatrice politique et économique de la victoire. Une guerre cela coûte cher. Je me souviens que cela se passait à Nice.

Je me souviens que mon grand-père n’a jamais dit quoi que ce soit contre les allemands, sa guerre avait eu lieu entre la France et un adversaire inconnu, d’ailleurs il avait fait la guerre comme interprète dans les troupes russes sur le front des Dardanelles, il n’a d’ailleurs rien dit contre les turcs, les serbes, etc… Vraiment nous avions gagné mais contre personne. Pour lui, les perdants c’étaient les gueules cassées des deux côtés, les morts à foison, les enterrés vivants dans les tranchées réciproques. Il ne fêtait pas la victoire, il rendait hommage à ses amis morts, à tous les morts.. 

Je songe qu’il est lui-même décédé, que 101 ans après 1918, nous continuons à commémorer le 11 novembre, jusqu’à quand ? On ne célèbre pas la victoire de Valmy, pourtant vitale pour l’établissement du cours historique qui nous constitue. Qui décidera que l’on cesse de commémorer le 11 novembre ? Qui décidera de commémorer la naissance de l’Europe, fruit de deux guerres mondiales. ?

Ne plus commémorer, est-ce oublier ? A-t-on oublié les guerres napoléoniennes qui sont à l’origine de l’Arc de Triomphe mais que nous ne commémorons pas. On a certes oublié les défaites napoléoniennes que les anglais n’oublient pas grâce au monument de Trafalgar Square. Ainsi les souvenirs des uns sont les oublis des autres. Souvenirs des victoires, oublis des défaites mais leur registre est souvent, voire toujours, celui des guerres. Ne faudrait-il pas mieux commémorer la paix perpétuelle ? Il semble que cela soit impossible car nous ne parviendrons pas à fixer un jour spécial puisqu’elle se commémorerait chaque jour. Ne s’agit-il pas, hélas, d’un rêve impossible ? 

Je me souviens que nous remontions la rue Meyerbeer, tournions à droite et que nous nous rangions avec la foule des anciens combattants, des curieuses et des curieux pour voir défiler les jeunes soldats que la guerre d’Algérie avait commencé à emporter, mais il ne s’agissait encore que d’événements…

Jean-Paul Leroux