[éditorial] Et si tout commençait un 17 décembre ?

Détruire le droit du travail, les hôpitaux, la sécu, les services publics, donner aux riches ce que l’on prend aux pauvres, n’avoir pour seule visée qu’une croissance des profits pour certains et la guerre de tous contre chacun… Et si ce mardi 17 décembre restait dans les mémoires comme un jour de basculement ?

Depuis le 5 décembre, il y a dans l’air comme un parfum de retrouvailles. Mais c’est un déjà-vu inédit. Le mouvement social a toujours ses bastions, ses codes et ses drapeaux. La force d’une grève reconductible et de rendez-vous réguliers créent toujours une force populaire en mouvement. Il y a pourtant ce sentiment que nous avons beaucoup changé. Sous les assauts des violences policières, avec la conscience de l’urgence climatique et de la surdité du pouvoir, après le témoignage des courageux Gilets Jaunes, nous ne sommes plus les mêmes. Les cortèges eux mêmes sont différents. L’appartenance syndicale est arborée fièrement mais dans les rues de Gap les manifestants prennent un malin plaisir à mélanger les étiquettes et les corps de métiers. Ils disent à leur manière que l’unité naît de la gravité du moment et que c’en est fini des guerres de chapelles et du militantisme à l’ancienne. Les syndicats sont différents car une nouvelle génération de militant-e-s émergent qui mêlent urgence sociale et climatique, qui cherchent de nouvelles manières de communiquer, de rassembler et d’agir.

Oui, il y a comme un désir de perspectives qui court dans les rues du pays. Chacun s’accorde sur cette évidence : il faut stopper Macron et son monde. Il faut mettre nos vies dans la balance, faire société, faire commun. La bataille pour une retraite digne est une bataille pour la dignité. Nous ne souhaitons pas perdre notre vie à la gagner et mourir sur nos postes de travail. La quête de dignité fait face au pouvoir le plus brutal et le plus arrogant que notre 5ème république ait connu. Le choc idéologique est si grand entre “leurs” évidences et les nôtres que nous voyions un peu plus chaque jour apparaître un pouvoir de l’argent plus nu que jamais. Il y a chez les manifestant-e-s cette conscience, presque non-dite, non formulée, qu’il se joue ici bien autre chose que les retraites : une certaine idée de la vie en commun.

Ce commun sera la clef de voûte des solutions à venir mais pour l’instant il faut stopper le train fou de la macronie. La machine “En marche (forcée)” est d’ailleurs bien mal en point. Nos 2 députés locaux sont très discrets pour défendre cette réforme. Les départs, plus ou moins publics, se multiplient. Et même les économistes, qui ont porté Macron au pouvoir, lui demandent de faire machine arrière. La campagne municipale sera d’ailleurs bien complexe pour tous ceux qui ne souhaitent pas “faire de politique” et ne se positionnent pas avec force dans les mobilisations en cours. Un nouveau monde est ici en construction, attention de ne pas rater le dernier wagon.

La grève et la journée d’action du mardi 17 décembre s’annonce déjà comme historique par son ampleur. Tout le monde a eu le temps de faire ses comptes : la contre-réforme, proposée par le gouvernement (et le seul soutien du Medef), propose de travailler plus longtemps pour gagner moins… Bloquer l’économie, la circulation, bloquer les établissements scolaires, couper l’électricité de certaines administrations, la radicalité du mouvement qui vient n’a qu’une issue : le retrait de la réforme.

Il faudra ensuite, comme nous y appelle le philosophe Jean-Louis Sagot-Duvauroux, passer de “la convergence des luttes à la confluence des perspectives”. Le peuple de gauche a fait sa mutation. Il a la démocratie et l’éthique au cœur. Il sait qu’il faudra sortir de la course consumériste pour vivre dans la dignité et préserver notre planète. Il se tourne vers le commun et la coopération pour inventer joyeusement demain.

Et si tout commençait un 17 décembre ?

Laurent Eyraud-Chaume

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