[Covid-Orange] »Allo la direction ? » [témoignage]

Alp’ternatives continue son tour des entreprises Hautes Alpines au cœur de la crise sanitaire et économique. Après l’hôpital de Laragne, Philippe Assaiante, représentant CGT chez Orange nous raconte comment son entreprise a besoin des syndicats pour protéger ses salarié-e-s. LEC

Je suis habituellement tellement révolté contre les dirigeants de mon entreprise Orange que j’ai parfois peur de ne plus être objectif…

Depuis des années, j’oppose toujours le noble « droit à la communication » aux appétits de gains gargantuesques de mes dirigeants et des actionnaires d’Orange. Depuis trop d’années, je ne me reconnais plus dans ce qui était mon métier. Plumer le client  s’est substitué au simple fait d’être au service des usagers. 

Loi du marché, ouverture à la concurrence, transactions entre opérateurs, exploitation de la sous-traitance, négligence de la qualité de service et du réseau, vente du réseau, toutes ces réalités hantent le quotidien de nombreux militants défenseurs du droit à la communication pour tous et défenseurs des services publics qui sont à l’origine de l’installation du réseau dont nous profitons tous aujourd’hui.

Je vous passe le paragraphe sur le comportement « éco-responsable » de mon entreprise qui  se donne bonne conscience en mettant à disposition quelques véhicules électriques pour plusieurs milliers de salariés et qui dans un élan de prise de conscience fournit 3 tasses made in china pour éviter de jeter des gobelets en plastiques. En parallèle, elle fusionne des territoires qui impliquent l’augmentation conséquentes des déplacements en voiture 2 places, même pas foutue de mettre des 4 places pour au moins réduire le nombre de véhicules utilisés.

Alors quel regard objectif puis-je avoir sur la gestion de la crise sanitaire que nous connaissons ?

Avant que le non-dit « confinement » soit appliqué, des mesurettes ont été prises dans les services très exposés comme les boutiques Orange. Distance de courtoisie aléatoire, pas de masques, pas de gants, du gel hydro-alcoolique parfois. Sur la porte des WC on affiche qu’il faut se laver les mains et tousser dans son coude. A côté de ça, il y a  des salles de repos communes tellement restreintes qu’il est impossible de respecter la distance d’un mètre car c’est presque la largeur de la pièce. Et oui, derrière les vitrines alléchantes, il y a la réserve ! 

Concernant l’ergonomie des boutiques Orange, le concept national impose des normes où les clients se retrouvent quasi sur les genoux des conseillers avec très souvent une tête de client qui vient se poser sur l’épaule du vendeur pour regarder l’écran en même temps que lui. Il semblerait que ce rapprochement physique soit opportun pour le business ! Dans les boutiques étroites, économie oblige, il n’y a plus d’espace d’attente. Et de l’attente il y en a ! Alors les clients s’agglutinent, évoluent entre les rayons en libre-service et les espaces démo sur lesquels on retrouve l’ADN de toute une partie de la population des Hautes-Alpes… Pour patienter, ils slaloment entre les conseillers puisqu’ils ne peuvent pas s’asseoir.  

Impossible dans ces conditions de protéger les conseillers et les clients.

L’argument de maintenir les boutiques ouvertes était d’assurer la continuité de l’activité pour les usagers.  A ce moment-là, il faut bien faire la différence entre le service et l’activité, ce n’est pas pareil.  

Rapidement, poussés par des organisations syndicales dont le seul objectif est de protéger la santé des salariés, la direction a pris la mesure de l’inefficacité de ses mesures dont une mémorable qui était d’organiser la file d’attente sur le trottoir pour filtrer l’entrée. Je ne ferai aucun commentaire sur ce point car la métaphore serait facile et déplacée.

Le lundi 16 mars midi, toutes les boutiques Orange ferment jusqu’à nouvel ordre. Les salariés sont en arrêt pour garde d’enfant ou en ASA (autorisation spéciale d’absence) dispensés d’activité mais disponibles puisqu’ils restent joignables avec des « briefs » quasi quotidiens. 

Depuis la direction cherche une solution pour relancer l’activité des boutiques pour le confort des clients (trois points de suspension ou un smiley, je ne sais pas quoi mettre ?)

Chez Orange, sur le département il y a aussi un plateau téléphonique qui répond aux appels du 3900. Ce service est rattaché à d’autres plateaux sur d’autres départements. Ces plateaux réunissent des dizaines de salariés. Même topo, de l’eau et du savon. Pas de problème, le virus n’a pas le badge pour pénétrer dans l’immeuble. Pourtant un plateau voisin a été mis en quarantaine car un salarié a été contaminé et en contact avec l’ensemble du plateau. Les salariés sont placés en ASA et en télétravail car l’activité le permet. Très bien !

Sur Gap, je fais un signalement aux autorités compétentes pour dénoncer le non-respect des consignes sanitaires dont le plus importants est le contact avec plus de 5 personnes, pénurie de gel, pas de gants…  J’apprends que les gapençais ne peuvent pas se mettre en télétravail car il n’y a plus d’équipement. Alors on sacrifie une dizaine de salariés à cause de quelques ordinateurs manquants? Ah j’oubliais qu’on est en guerre, alors ici on est des guerriers, on saute dans les tranchées, même pas peur, j’y vais à mains nues ou comme on dit ici avec ma b… et mon couteau.

Une note interne dit pourtant que les salariés dont l’activité ne peut pas être en télétravail ou ne pouvant être équipés sont priés de rester chez eux. 

Le signalement, l’acharnement de mon organisation syndicale et l’appui des responsables d’équipes ont accéléré la fermeture du plateau. Les téléconseillers resteront chez eux jusqu’à ce qu’ils soient équipés. C’est gagné.

A ce jour seuls les techniciens sont encore exposés à des risques. Pas ou peu d’équipements de protections, pas ou peu de gel, pas ou peu de masques (sans parler de l’efficacité de certains masques).

Un combat s’installe entre mon organisation syndicale et la direction qui démontre son incompétence dans le domaine. Un droit d’alerte régional a été déposé. Il en ressort des mesures à mettre en œuvre dont notamment la définition des interventions essentielles sur les sites protégés (services d’état, hôpitaux…), sur les clients prioritaires (isolés, surveillance médicale, médecin…) et sur le réseau qui est ultra sollicité sur la période.

Nous demandons que les interventions des techniciens soient limitées à l’indispensable et qu’un nombre d’entre eux soit placés en astreinte afin de préserver toujours une équipe prête à intervenir sur l’urgent, le vital. Malheureusement, les excès de zèle et d’incompétence font de la résistance à ces dispositions.

Orange fait appel à de la sous-traitance notamment sur les interventions. En tant que donneurs d’ordre, les mesures s’appliquent aux sous-traitants. A l’heure où j’écris ces lignes, il semblerait que les signaux de fumée n’aient pas encore été perçus.

Hier je tombe sur une communication de mon PDG qui se vante d’offrir des milliers de masques aux hôpitaux. Ah bon ? Il en avait en  réserve le salopiot et il les a surement gardés pour la soirée caritative en l’honneur des personnels soignants sur France 2. Là encore, je ne ferai pas plus de commentaire… 

Alors oui, étant en contact avec beaucoup de salariés de différentes activités, j’ai l’impression d’être privilégié. Je suis, comme beaucoup à Orange, en télétravail sans perte de salaire pour l’instant jusqu’à ce que les actionnaires remuent la queue. L’action syndicale a été intense et efficace, ça sert à ça des représentants. 

Philippe ASSAIANTE, représentant Cgt chez orange.

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