Alp’ternatives continue son tour des entreprises Hautes Alpines au cœur de la crise sanitaire et économique. Après l’hôpital de Laragne, et Orange, Cyril Bal, cheminot et militant CGT nous raconte comment son entreprise même au ralenti a besoin d’agents pour assurer une mission de service public. LEC
Dix jours après le début du confinement, l’heure est toujours à l’inquiétude et à l’incompréhension sur les chantiers SNCF… Les questionnements qui touchent la sphère privée et le monde du travail sont étroitement liés.
Pourquoi doit on être confiné chez nous drastiquement en tant qu’individu, écolier, famille sans voir proches ni amis alors qu’au travail tout doit continuer comme avant ou presque ?
De cette incohérence naissent toutes les remarques et les question et cela dès le lendemain des annonces présidentielles :
« Comment fait ton pour respecter les gestes barrières ? »
« Et dans le local, les véhicules ? c’est impossible cette distance d’1 mètre à respecter ! »
« A la D.D.E ou chez tel sous-traitant ils sont chez eux ou n’assure que l’astreinte par binôme de deux ! »
« Oui, mais moi si je reste à la maison je vais péter un plomb! »
«Et on fait quoi si l’on a une personne à risque qui nous attend à la maison ? »
Il aura fallu une journée passer dans cette pagaille, à sonder chacun, en face à face (mais à plus d’un mètre) ou au téléphone pour que les problèmes commence a remonter et à s’accumuler… La situation est exceptionnelle et n’a pas été vécue de la même manière que l’on soit en équipe sur le terrain ou dans l’encadrement régional en télétravail de chez soi. Les premiers attendant des consignes claires de leur direction, les autres « dirigeants » se demandant comment continuer a réaliser la production dont ils connaissent de moins en moins les réalités.
Cela m’a laissé le sentiment étrange que certains, essayant d’organiser le travail au mieux en attendant des ordres qui n’arrivent pas, prenaient directement en compte l’humain, la sécurité des cheminots et de leur famille alors que pour d’autres…
Le jour suivant, mardi, les premiers tracts et propositions de la CGT arrivent sur les bureaux des directions. Il n’aura rien fallu de moins que des droits de retrait et une infinie patience, pour obtenir vendredi des consignes claires de la direction qui permettent de savoir comment se comporter entre collègues, dans les locaux, les véhicules, et avec l’outillage afin de respecter les gestes barrières.
Mais, comme vous le savez, un train pouvant en cacher un autre, toutes ces belles règles ne sont applicables applicables qu’en présence de masques, de gel, de gants et j’en passe… C’est là que le bas blesse ! Mettant l’encadrement de production local en difficulté ayant des consignes de la direction régionale mais ne pouvant les faire appliquer faute de moyen ou en se mettant en danger eux-mêmes en allant les acheter !
Malgré tout, ce qui reste le problème le plus mal vécu est l’absence de décision forte de l’entreprise. Notamment celle de ne réaliser que les missions essentielles à la circulation des trains. En maintenant la réalisation de la maintenance habituelle nécessitant le travail de plusieurs agents ensemble, elle expose les cheminots à des risques inutiles.
Ces actes ne font que refléter la pensée de ce gouvernement : « Tous confinés sinon c’est PV mais allez travailler » et pour vous remercier « On vous permet de travailler 60 heures par semaine et on pique vos congés ».
En ce dixième jour le contexte est tendu et angoissant, 7 % seulement des trains circulent dans le pays et pourtant les cheminots, encore attachés aux service public et à l’intérêt général, sont sur le front alors même que la SNCF est devenu société anonyme au 1er janvier 2020.
L’impossibilité de se protéger correctement se démontre aujourd’hui par l’augmentation plus nombreuse des contaminations chez les agents SNCF qu’ailleurs. Les droits d’alerte émanant du syndicat tombent…
En attendant la suite, je reste convaincu que quelque chose de positif pour la société va et doit sortir de cette crise mais il faudra sûrement imposer aux puissants la direction que cela doit prendre.
Cyril Bal, cheminot et militant CGT