En pleine crise sanitaire, un exemple des dégâts provoqués par les politiques libérales et une approche marchande de notre santé dans les départements dits ruraux.
Myriam Martin, élue régionale en Occitanie et militante d’Ensemble, relate dans un article sur son blog Médiapart les méandres du soin en milieu rural. Il nous ait apparu opportun, avec son aimable autorisation, de partager ce récit édifiant avec nos lecteurs des Alpes. Bonne lecture et bonne rentrée.
Laurent Eyraud-Chaume
Une fois n’est pas coutume, je vais relater, au sein de ce blog, une expérience personnelle vécue il y a peu lors de mon séjour en Ariège durant ces dernières vacances d’été. Je n’ai pas pour habitude de parler de moi et il ne s’agit pas de cela ici. Mais de faire part des problèmes que j’ai rencontrés pour me soigner et donc des problèmes que peuvent rencontrer les habitants et habitantes de mon département natal au quotidien.
Je souhaite donc que ce texte ait la vertu d’un témoignage afin de faire réagir. À ce titre il sera envoyé à la presse, à l’agence régionale de santé, à la préfecture de l’Ariège et aux élus.
Mon lieu de résidence, durant ces vacances donc, se trouve à proximité de Lavelanet et de Laroque d’Olmes, les deux communes les plus importantes du Pays d’Olmes, dans l’est ariégeois. Cette région a un passé industriel remarquable, celui du textile. Lavelanet est pourvu d’une clinique, « La Soulano ». Elle a même eu, en son temps, en plus un hôpital. D’ici 2023 Lavelanet verra sortir de terre un hôpital de proximité et un EHPAD. Mais pour l’instant il faut se contenter des urgences à Lavelanet, la clinique étant rattachée au CHIVA ( Centre Hospitalier Intercommunal des Vallées d’Ariège, situé à St Jean de Verges, à plus de 40 kms ).
Mercredi 19 août dernier, très malade (fièvre importante soudaine, douleurs), je suis en recherche d’un médecin. Il n’est pas 17h30. Malgré mes coups de fil, je ne parviens à joindre que des répondeurs qui m’informent que les secrétariats des cabinets concernés ferment à 16h30. Malgré mon état et fort heureusement accompagnée, je me rends devant deux cabinets. Un est fermé, grillage tiré, pourtant il n’est pas 18h, heure de fermeture indiquée sur le site internet. Retour au domicile après une tentative infructueuse auprès d’un autre cabinet. Pas de médecin.
J’appelle alors la clinique de Lavelanet. On me conseille d’appeler le 15.
Ce que je me résous à faire. Au final j’atterris au centre médical « allo médecins », à 20h, à plus de 40 kms, c’est le début de péripéties qui vont me mener à effectuer, 4 allers-retours de 85 kilomètres, soit 340 kms en un jour et demi, pour me soigner alors que mon état de santé s’est dégradé et qu’il m’est assez pénible de me déplacer au vu toujours de la fièvre et des douleurs qui m’affligent.
Le médecin qui me soignera, au Centre « allo médecins », doit me faire tester pour vérifier si j’ai contracté la covid 19, avant tout traitement.
De nouvelles péripéties m’attendent : à Lavelanet, le jeudi matin je n’ai pas de rendez vous au laboratoire, je n’en obtiens un que le vendredi 21. Je pars donc aussitôt à Foix, toujours à plus de 40 kms, car le laboratoire effectue des tests dans la matinée, PCR ( écouvillons dans le nez ) mais aussi sanguins avec d’autres analyses demandées par le médecin afin de déterminer d’autres origines que la covid à mes problèmes de santé.
L’emplacement où s’effectuent les tests est un lieu exigu, le petit parking derrière le laboratoire. Il faut faire la queue à la rage du soleil, et ce matin-là il y a du monde : un cas de covid dans une halte garderie, familles et enfants se bousculent. Tout le monde est agglutiné, personnes malades, avec des symptômes possibles du coronavirus, personnes asymptomatiques, devant se faire tester car en contact potentiel avec des individus contaminés, personnes qui partent en vacances ou en reviennent… Pas de hiérarchisation, pas de priorités déterminées, l’attente va donc être pénible. Il ne s’agit nullement d’accabler les personnels à l’écoute, bienveillants et professionnels, mais ils ne sont que deux. Il s’agit de mettre en exergue une fois de plus dans cette crise sanitaire, une organisation plus que discutable des tests avec des laboratoires privés et une puissance publique incapable d’organiser et de rationaliser l’organisation de ces tests à une grande échelle.
On me promet au labo des résultats assez rapides, pour les tests sanguins notamment, et un résultat au plus tard en 48h pour le test PCR (test par écouvillon) c’est à dire au plus tard samedi 22 août au matin. Je n’aurai les derniers résultats que le lundi 25 au matin parce que j’ai moi même appelé ( problème de serveur parait il mais aucune indication en ce sens sur le site du laboratoire ).
Me voilà repartie chez moi. En début de soirée j’ai enfin les premiers résultats, négatif pour le test sanguin de la covid mais positif en ce qui concerne une grosse infection. Il me faut trouver un médecin d’urgence. Je refais le 15 en me disant que sans doute je serai orientée rapidement vers un médecin du pays d’Olmes ou de Mirepoix ou vers les urgences à Lavelanet à quelques kilomètres de mon domicile. Surprise, les régulateurs que j’ai au téléphone m’apprennent qu’il n’y a aucun médecin de garde dans le pays d’Olmes et de Mirepoix et l’un d’entre eux me répond même, quand je demande si les urgences à Lavelanet peuvent me prendre en charge, que ce n’est pas la peine de m’y rendre, « qu’ils ne font pas ça ». Je ne comprends pas la signification de cette réponse, à quoi bon des urgences si elles ne prennent pas en charge les patients qui n’ont pas d’autres choix. C’est d’autant plus surprenant que sur le site internet il est mentionné urgences ouvertes et qu’il n’est pas indiqué des restrictions éventuelles de prise en charge. Petit aparté, ces urgences ont déjà fermé par ailleurs, le premier avril dernier, en pleine crise covid! Contre l’avis de nombreux et de nombreuses de nos concitoyen-n-e-s qui avaient signé une pétition lancée par la France Insoumise, en faveur de son maintien.
Revenons à mon périple.
Je demande alors si ma seule solution est de me rendre à nouveau à allo médecins route de Varilhes à 43 kms. Réponse affirmative de mon interlocuteur. J’obtiens un rendez vous avant 22h et nous voilà à nouveau sur la route. Le même médecin qui m’a auscultée la veille m’attend et me prend efficacement en charge, piqûre d’antibiotique en urgence, administration de médicaments, en effet mon état de santé ne s’est pas amélioré et je suis épuisée par les déplacements. Mais cette dernière visite est instructive et me permet d’apprendre que les médecins du pays d’Olmes et de Mirepoix ont décidé voilà plus de deux ans, de ne plus effectuer de gardes! Cerise sur le gâteau, j’apprends aussi que le conseil de l’ordre ( des médecins ) a approuvé! Comment est ce possible? Incroyable et ce d’autant qu’en cherchant ultérieurement sur les pages jaunes, je découvre qu’il y a au moins quinze médecins entre le pays d’Olmes et le pays de Mirepoix. Inadmissible. Loin de moi l’idée de médecins corvéables et malléables à merci, mais une absence totale de médecins de garde ce n’est pas acceptable parce qu’on ne peut envisager aucune réponse médicale de proximité passé 18h.
Cette situation très problématique pour nos concitoyen-n-e-s est aggravée par une offre de soins de plus en plus anémique du côté de la clinique la Soulano. En effet et pour finir ces péripéties, afin d’accéder à l’imagerie médicale, j’ai d’abord appelé la Soulano, à Lavelanet pour obtenir une échographie en urgence. On me propose un rendez vous….au CHIVA! J’ai donc dû me rendre en urgence à nouveau à St Jean de Verges (toujours à plus de 40 kms), au CHIVA le vendredi 22 au matin, car il n’y a plus la possibilité de faire une échographie à la clinique de la Soulano, à Lavelanet. J’ai ainsi repris la route pour la quatrième fois.
En conclusion : comment en est on arrivé à cette situation?
Ai je joué de malchance? Je ne crois pas. J’ai eu même de la chance de ne pas finir aux urgences au CHIVA, dans un état plus grave. Mais pour les habitant-es concerné-es qui vivent toute l’année dans ce territoire d’Occitanie, comment accepter qu’une telle situation se pérennise?
Quels autres territoires de notre région se trouvent confrontés aux mêmes difficultés? Et surtout pourquoi?
Ces situations que connaissent aujourd’hui entre autres, le pays d’Olmes et le pays de Mirepoix, sont la conséquence de décennies de politiques libérales en matière de santé. Politiques qui consistent à considérer la santé comme une marchandise, ou ayant un coût qu’il faut sans cesse diminuer au détriment de nos concitoyen-n-e-s.
La réponse ne peut être quand on parle de santé publique, chacun ou chacune fait ce qu’il ou elle veut ( j’évoque ici évidemment la médecine libérale ). La réponse ne peut pas être non plus de se contenter d’urgences inopérantes car sans moyens.
Aujourd’hui c’est à la puissance publique de reprendre la main, c’est à l’Etat, au préfet donc mais aussi à l’ARS et aux élu-e-s de se saisir de ce dossier en pays d’Olmes et de Mirepoix, en lien avec les médecins et les professionnels de santé en général. Mais nos concitoyen-n-e-s doivent aussi s’inviter dans le débat et exiger un service public de santé de qualité, de proximité, pour tous et toutes.
Le droit à la santé est un droit fondamental qui ne se négocie pas. Des pistes existent pour y répondre : centres de santé, hôpitaux de proximité avec des services essentiels pour accueillir les patient-e-s, équipements suffisants et performants. A l’opposé de la casse de la santé depuis des années.
Pour vraiment finir ce récit, je souhaite remercier chaleureusement le médecin qui m’a pris en charge à Allo médecins, son professionnalisme, son humanisme et sa sollicitude. Grand merci à l’hôpital public (CHIVA de St Jean de Verges) pour la réponse rapide à un examen pris en urgence.
Il est plus que temps de sauver et d’améliorer, en le développant et en le rendant accessible à tous et à toutes, notre service public de santé.