A)
Dans les Hautes-Alpes, nous avons de la chance, nous disposons d’une préfète hypersensible, du coup son regard d’aigle s’étend très loin. Elle n’hésite pas à écrire que le dispositif d’accueil mis en place à Briançon « conforte l’attraction du Briançonnais pour les migrants » (Dauphiné du 9 novembre 2021, p.2). Voilà une bonne nouvelle, les migrant.es viennent pour fréquenter les stations de ski, d’ailleurs n’est-ce pas déjà ce qu’ils font à Montgenèvre, une des premières stations historiques du Briançonnais et en plus, ils disposent d’un temps de loisir incommensurable. D’ailleurs ces personnes vont patienter jusqu’à l’ouverture de la saison et nous venons d’apprendre que le passe sanitaire n’y sera pas obligatoire, mesure qui n’en doutons pas va augmenter l’attractivité du Briançonnais.
Ainsi cette publicité gratuite pour le Briançonnais a déjà été entendu, dès la fin août à Kaboul et en Iran d’où des familles entières (grands parents, parents, enfants et même femmes enceintes) arrivent à Montgenèvre. L’attrait des sports d’hiver va grandissant. Il faut reconnaître que la renommée de Montgenèvre et de la vallée de la Guisane est en train de devenir mondiale. Ainsi, certains fins observateurs du tourisme mondial prévoient que les habitants de certains atolls du Pacifique touchés par la montée des eaux, ont choisis comme destination de repli Briançon pour s’initier au joie du camping sous tente dans le froid et la neige. D’ailleurs la ville profitant de cet afflux inespéré pour le tourisme local et astucieusement dirigé par un maire progressiste, prévoit d’embaucher des Inuits pour apprendre les joies des nuits en igloo, à moins qu’il fasse appel aux chasseurs alpins qui après un séjours, plein de chaleur au Mali, veulent retrouver le froid de nos montagnes hautes-alpines. Mais, des fuites à confirmer, font état d’une résistance de l’État-major : « migrer au Mali, oui, rester sur place, non » car cela réduirait les militaires à être des animateurs d’un espèce de club Méditerranée des montagnes et le réchauffement du climat n’est pas encore tel que l’on puisse espérer que le niveau de cette mer atteigne La Roche de Rame et son lac. Et puis, il faut bien le dire, ils ont d’autres tâches plus prioritaires. À Montgenèvre, les forces de police sont chargées de la fluidité de la circulation et elles sont souvent débordées tant la densité des passage causée par l’attractivité du Briançonnais est importante. C’est sans doute en s’y rendant que la préfète a senti le souffle de l’appel d’air.
B)
La préfète a une sensibilité très fine mais en réalité celle-ci la trompe. Parler de « l’attraction du Briançonnais », c’est penser que ce territoire agit comme un aimant. L’aimant est la cause de ce qu’il attire alors que les personnes qui arrivent à Briançon par les voies migratoires ne sont nullement « attiré.es » mais au contraire « poussé.es » par une multitude de causes.
Ces personnes sont parties de chez elles pour des raison internes à leur pays. Les migrant.es sont d’abord « agi.es » par des causes familiales, sociales, éducatives, économiques, politiques propres à leur pays sans oublier les guerres civiles et autres. Ainsi la venue des migrant.es n’a pas pour raison la situation actuelle dans le Briançonnais mais la situation antérieure et catastrophique de leur conditions de vie.
La leçon de cette inversion entre cause et conséquence est connue. Elle a été donné par Nietzsche qui parle de « perversion absolue de la raison ». Nietzsche a raison de parler ainsi quand on voit où mène cette inversion. Elle conduit à ce que des drames se produisent sur la frontière. Il y a déjà eu des morts et en attendre de nouveaux pour prendre le minimum de mesures humanitaires est une politique dangereuse, inhumaine et qui malheureusement comme tout le monde devrait le savoir conduit à des impasses politiques et à une lâche imprévoyance. Notre tâche serait de repenser les voies migratoires et les politiques d’accueil car avec la dégradation du climat, la continuation des guerres, les inégalités grandissantes et la sous alimentation d’une partie de la populations mondiale, le phénomène migratoire ne peut que s’amplifier.
Si la préfète ne faisait qu’un usage personnel de cette inversion, grand bien lui fasse, mais en racontant des sornettes sur la place publique, elles infestent le discours public d’un air vicié qui ressemblent à s’y méprendre à celui que répand l’extrême droite.
Jean-Paul Leroux
12 novembre 2021
Toujours cet humour grinçant ? Pas mal du tout jc