Je me souviendrai longtemps, jusqu’à ma mort sans doute, de ce jour où je suis devenu vieux. Bien sûr, j’avais bien conscience de ne plus avoir 18 ans, de ne plus courir le 100m en 11,2 s, d’avoir échappé à la sale guerre d’Algérie grâce à mon asthme infantile, bref d’être un vieil asthmatique. Mais savoir qu’on est vieux et le devenir sont deux choses différentes. Je militais, continuais à donner des cours, une de mes passions, je skiais, je sortais, je me baladais, je n’hésitais pas à rouler pour aller de ci, de là, voir mes enfants, mes petits enfants et même en avion jusqu’à Montréal, ou ailleurs, fêter leur 10 ans à Barcelone, Turin, Paris, Venise, voir les copains en Hollande, à Compiègne à Maurepas, bref, une vie « normale » de gens de la classe moyenne. Un grand coup de bambou, m’a assommé le 12 mars 2020 à 20h, d’un coup de virus. Non seulement, il conseillait de ne plus bouger sauf pour faire les courses et s’aérer mais il me parlait comme si j’étais un enfant : « Ah vous avez plus de 70 ans et vous êtes fragiles des bronches, voilà deux raisons de rester chez vous ! ». J’étais Perrette perdant son pot au lait, adieu, jeunesse, courses folles, manifs, voyages. Et tout cela à cause d’un connard-de-virus qui parlait par la bouche d’un président. Incroyable, un virus me parlant pour me réduire à ma vieillesse ! Mais pour qui il se prend ! C’est que je connais mes classiques, j’ai lu Sartre et la situation qu’ils, président et virus, veulent m’imposer n’a de sens que dans le projet présidentiel, celui de « l’enfer, c’est l’autre ». Le sens que je donne à cette situation virale est tout autre. D’abord, c’est moi qui choisit mon âge, pas mon acte de naissance. Je suis né le 12 mars 2020 à 20h que cela soit dit. Ensuite, je ne suis pas « gaga », je vois bien que son discours est un tissus de contradictions, c’est lui qui est faible du cerveau. Il affirme qu’il faut être confiné et aller voter, nous voilà soumis à ce que les experts nomment une « double contrainte » situation à l’origine de bien des psychoses ! Il veut quoi ? Que nous soyons non seulement malade du coronavirus mais qu’en plus nous devenions mentalement idiot ! Aussitôt dit, aussitôt fait, j’ai pris mon auto et je suis resté « confiné » cinq heures à rouler pour aller à la mer et en revenir, confiné face aux vagues, aux petits rouleaux s’écrasant sur les rochers plein de soleil et d’iode, à divaguer sur le chemin des douaniers. Je me sentais comme l’escaladeur sartrien face au rocher, projetant sa finalité sur la voie à ouvrir, je projetais la mienne à la face du vent en riant au simple plaisir d’être-là. Adieu, double contrainte, bla bla bla présidentiel, connard-de-virus. Perrette s’est réveillée en sursaut, elle venait de rater la fin du discours…
Jean-Paul Leroux
J’adore ! 🙂 surtout la réaction de la balade à la mer, anti-écologique s’il en est, (seul dans sa voiture, 5h de route etc…) mais tellement vivifiante ;-). Comme Pascale Robert je crois (je ne suis pas sure du nom de l’artiste) dans Marius et Jeanette, qui raconte que « dans les camps, faire l’amour c’était se prouver que l’on était vivant, qu’il nous restait au moins ça » … dans la même ligne. Oui à la responsabilité, non à l’obéissance servile. HLVS !