Les migrants seront-ils un jour des habitants d’un lieu qu’ils ont choisi en France ?
Jeudi 7 septembre une journée d’action était organisée pour obtenir que les migrants mineurs soient traités par le Conseil Départemental et la Préfecture comme des jeunes personnes en détresse.
Il suffit de se rendre à ce genre de manifestation pour comprendre que ces jeunes ne sont plus chez eux nulle part (mis à part ceux qui sont accueillis dans des familles).
En ce moment ils arrivent de l’Afrique de l’Ouest (Guinée Conakry, Cameroun…) 4 450km à vol d’oiseau. Ils arrivent à pieds (et pas en volant !) par paquet de 15/20 en passant les frontières entre Briançon et Montgenèvre : ils ont entre 15 à 17 ans. Ils n’ont pour tout vêtements que ceux qu’ils ont sur eux, ils sont affamés et souvent un peu malades. Ils ont peur et ne livrent qu’au compte goutte leur histoire. Pour ceux qui sont passés par la Libye on commence à savoir ce qu’ils ont vécu. Et pourtant la plus part ont un grand sourire, sont attentifs à ceux qui les aident, les remercient.
Quelques-uns d’entre eux savent où ils veulent aller, la plus part non. Certains d’entre eux sont allés à l’école et ont les moyens d’analyser et de comprendre ce qui se passe, d’autres savent à peine lire et écrire. Il y en a qui parlent français, d’autres anglais, d’autres une langue locale (comme le soussou pour la Guinée). Il y en a qui sont seuls et pas bien du tout, d’autres qui sont arrivés en petit groupe. Hier il y avait une fratrie : 17 ans et 15 ans.
Ils sont d’abord enregistrés et comptés quand ils arrivent puis les bénévoles de Briançon les accueillent et les remettent un peu en état. Ils doivent ensuite être reçu au Conseil Départemental à Gap qui va faire un premier entretien d’évaluation et leur attribuer un récépissé qui leur donnera droit à un minimum d’aide. Ils doivent être « mis à l’abri » : c’est à dire être hébergé quelque part. Et bien le CD qui en a mis environ 190 à l’abri (dans des centres de vacances), a décidé qu’il ne pouvait pas faire plus (faute de moyens !). Les autres sont donc dans la rue. Ils ont droit à 1 ticket restau par jour : 7 € pour deux repas. Alors que se passe-t-il pour ceux là (une quarantaine environ, mais cela change tous les jours) ? Des locaux paroissiaux ont été mis à leur disposition pour la nuit. Ils dorment par terre sur des couvertures et ont à leur disposition 2 douches froides et des toilettes et un lieu pour faire la cuisine. Ils doivent sortir dans la journée et rentrer le soir car il n’y a pas de permanent pour veiller sur eux ! Là en ce moment il fait beau, ils ont déjà très froid (ils arrivent d’Afrique !) : qu’est-ce-qu’ils vont devenir quand les températures vont s’abaisser ?
Depuis quelques jours des personnes viennent leur faire des cours (les mêmes qui les ont fait tout l’été dans les locaux de la CGT).
Le jeudi, c’est le jour de l’enregistrement au CD : hier ils étaient toute une file sur l’arrière du bâtiment. L’entrée officielle a été fermée ! Devant, sur l’esplanade, un petit déjeuner et un repas ont été préparés par des jeunes et chacun des accompagnants a apporté quelque chose à manger. Dans l’intervalle ils se sont dessinés sur des affiches sur lesquelles ils ont marqué leur prénom, leur pays d’origine et leur âge et ont les a affiché sur les balustrades du CD. L’atelier a eu beaucoup de succès : les dessins vont être affichés dans la salle paroissiale. L’idée c’était qu’ils apparaissent aux yeux des gapençais comme des personnes et pas seulement comme un groupe.
Pendant ce temps un groupe de 4 personnes était enfin reçu par le Préfet : il avait enfin été réveillé par la menace de l’installation de tentes sur le parvis. Très brièvement voici le contenu de sa réponse.
– Le département ne fait pas son travail.
– Je vais donc intervenir pour qu’on prenne en charge les moins de 16 ans (une vingtaine).
– Pour les plus de 16 ans : vous demandez à la paroisse si elle peut continuer à les héberger et j’aide pour qu’il y ait une hygiène minimum. Ils pourraient par exemple aller se doucher au camping !…Ou bien à un hôtel où 3 chambres seront réservées.
Mais en échange vous ne campez pas sur le parvis…
Nous avons discuté et nous avons décidé de ne pas planter les tentes cette fois-ci (des personnes n’étaient pas d’accord).
Le soir a eu lieu une réunion entre les syndicats, les associations et les familles accueillantes…Mais la suite au prochain numéro.
Imaginons nos enfants, nos petits enfants, seuls sur des routes pas forcément accueillantes et nous comprenons ce qu’ils peuvent vivre. Bien entendu ce n’est pas nous en tant qu’individu qui allons résoudre ce problème de l’immigration mais nous pouvons, peut-être, par nos initiatives individuelles et collectives faire avancer les choses.
Cécile Leroux