Procès de Kévin : Un appel apaisé n’est pas gagné…

Ce mercredi 2 octobre, le premier solidaire du Briançonnais, Kévin est passé en jugement à la cour d’appel de Grenoble. Après un jugement du tribunal de Gap du 10 janvier dernier sans appel pour la fraternité, les solidaires étaient préparés au pire. Condamné à 4 mois de prison avec suris pour entrée sur le territoire Français de personnes en situation irrégulières et pour refus de contrôle des forces de l’ordre, le maraudeur, son avocate et les personnes en soutien étaient bien présentes à Grenoble pour faire entendre enfin leur voix.

Alors que 200 personnes se sont réunies dans l’après-midi devant le tribunal de Grenoble, une quarantaine de personnes ont suivies le déroulement du jugement à l’intérieur. Quelques journalistes sont présents, l’avocat général est à la gauche des trois magistrats qui sont là pour juger cette affaire peu ordinaire qui deviendra courante dans les mois qui viennent pour eux… Le public attend avec appréhension de revivre le cauchemar du tribunal de Gap, dénigrement, à la va vite et non écoute… Il est évident que les conditions de travail ne sont pas les mêmes, ici les salles sont closes, portes blindées, aucun bruits de l’extérieur pour perturber les juges, des forces de l’ordre qui font régner le silence et éteindre les téléphones portables…aucunes fuites possibles. Rassurant ou inquiétant, on ne sait pas.

Kévin s’avance à la barre, les magistrats déclinent son identité, travail… demandent son salaire(?). Le public retient son souffle et n’aime pas cette question sans rapport. Puis avec calme, il rappel les faits du rapport, l’incident, les circonstances, un homme avec 5 personnes dans sa voiture à Val des près qui met du temps à s’arrêter à l’appel de la police, il est mentionné qu’il fait parti d’un environnement pro-migrant d’après son téléphone. Puis avant de commencer à poser des questions, le magistrat rappelle que désormais la loi est plus souple concernant l’infraction d’entrée de « migrants » sur le sol français dans le cas du principe de fraternité, et donc ils appliqueront le droit actuel. Le public respire, et se détend… Plusieurs questions sont posées au maraudeur, il explique que c’est un droit de pouvoir demander l’asile en France, il marche juste dans la montagne pour sauver des vies au cas où ces vies se mettent en danger pour fuir la répression policière à la frontière sur la route, il n’a pas fuit le contrôle de police car il roulait à 40km/heure sur la nationale. Puis le magistrat lui demande s’il a reçu une contrepartie directe ou indirecte ? Aucune ! Si d’après la loi, il a fait acte d’humanité ? Il en conclut que Kévin pourrait avoir fait acte d’humanité en emmenant en sécurité les personnes au refuge solidaire pour fuir la situation difficile d’Italie et que selon les mots de l’accusé c’est un retour du passé colonial pour la France. On sent de la bienveillance dans l’attitude des magistrats mais c’est au tour de l’avocat général… Il demande que le refus de contrôle soit modifié en refus d’obtempéré approuvé par les magistrats, l’argument du 40km/heure étant mis en avant. Concernant l’aide à l’entrée des « migrants », il ne comprend pas pourquoi Kevin a gardé le silence en garde à vue et plus maintenant, il ne comprend pas comment on peut trouver des personnes dans la nuit en montagne, il ne comprend pas pourquoi il y a des zones d’ombres et d’absence de bornage de son téléphone, pourquoi il a été au refuge « chez Jésus » en Italie ce même jour, et, quand même, est d’un milieu d’ultragauche ! Donc d’après lui, Kevin est passé en voiture avec les migrants, par la route et donc la frontière, donc il doit être condamné aux mêmes peines. Le public écoute mais bon, il n’a pas l’air très convaincu parce qu’il avance, il fait son boulot…

Enfin l’avocate de Kévin prend la parole et plaide pour une justice qui respecte les droits humains, l’égalité, liberté et fraternité. Elle rappelle ces textes de lois sur la fraternité qui régit cette justice depuis 1936… Évoque ce carnage auquel on assiste, qui n’est que des traces évidentes des exploitations humaines, des morts dans le désert, des naufragés en mer et en devenir. Les migrants

sont avant tout des êtres humains qui sont le symbole de la crise économique mondiale, mais, eux, n’ont pas les bons papiers ! Il faut replacer le contexte, des êtres humains qui mettre péril leur vie pour pouvoir demander l’asile. Et finalement ceux qui ont les bons papiers aident ceux qui ne les ont pas. Sans les maraudes il y aurait plus de blessés et de morts, les maraudeurs font leur devoir d’humanité et dons d’eux même, sans recevoir. Mais aujourd’hui tous les moyens sont permis pour dissuader quiconque d’aider en montagne ou ailleurs, la longue liste des solidaires qui vont suivre dans votre tribunal en ait la preuve. Les « preuves » sont démontées les unes après les autres. Est-ce une infraction d’avoir 5 personnes noires dans sa voiture, en roulant à 40km/heure ? Le refus d’obtempérer ne peut être reconnu car la peine est plus lourde que celle demandée ! Est-ce un délit d’être d’ultra-gauche ou pro-migrant, selon les droits de l’homme c’est un délit d’opinion et d’expression de penser cela. Est-ce une preuve d’être allée « Chez Jésus » pour apporter à manger ou des couvertures ? « Moi aussi j’y suis allée » dira l’avocate. Est-ce une infraction commise de garder le silence ? C’est un droit, et non une culpabilité. Peut-on se fier au bornage des téléphones ? Avons-nous encore le droit d’éteindre son téléphone et est-ce un délit  ? Et faut-il rappeler qu’il existe encore des zones en montagne ou le téléphone ne capte pas, les fameuses zones d’ombres pour le procureur et blanches pour les opérateurs ! Ainsi elle conclura donc que la fraternité est un devoir qui s’impose, qu’il n’y a jamais eu de business sur la misère, la relaxe est demandée.

Le délibéré sera rendu le 23 octobre, la vieille du procès en appel d’un autre solidaire, Pierre. La salle semble soulagée, les solidaires ont été cette fois écouté, reste à savoir s’ils seront entendus.

 

Alice Prud’homme

Un commentaire

Laisser un commentaire